Chaque personne a une raison d’avoir choisi la profession qu’elle exerce. Certaines personnes sont simplement tombées dans la marmite. D’autres y parviennent à l’issue d’un travail de longue haleine. Appelez cela comme vous voulez… une « vocation », un « destin », une « concordance parfaite » : certaines personnes savent exactement ce qu’elles veulent être. Dans le cas de Stacey Alderwick, elle voulait être médiatrice en justice réparatrice.
« La justice réparatrice me permet d’incarner la paix que je veux apporter dans le monde, explique Stacey. Elle répond également à une question que je me pose : “Que peut-on faire lorsque des communautés ou des personnes se font du mal entre elles?” J’ai été témoin des manières dont la justice réparatrice peut apporter une réponse au préjudice et aux nouveaux besoins qui en découlent. »
Stacey a commencé à travailler dans un programme de justice réparatrice au sein d’un organisme communautaire de Toronto en 2004. De là, elle a décidé de suivre la formation dispensée par le Service correctionnel du Canada (SCC) sur la médiation entre les victimes et les délinquants dans les cas de crimes graves, puis elle a commencé à s’occuper de cas en 2010 sous la supervision de Mark Yantzi. Mark est un médiateur dans le cadre du programme Possibilités de justice réparatrice. Il est aussi un champion bien connu de la justice réparatrice et une personne profondément respectée au sein de la communauté de la justice réparatrice, ainsi que parmi le personnel du SCC, les détenus et les victimes. Dire que Mark, qui prendra sa retraite sous peu, a eu une influence considérable sur Stacey serait un euphémisme, souligne-t-elle.
« Je ne serais pas ici sans lui, affirme Stacey, visiblement émue quand elle parle de Mark et de l’influence qu’il a eue sur elle. Il est tellement important pour moi et pour les autres. Son départ imminent semble marquer la fin d’une époque; il me manque déjà. »
Bien que Mark soit largement considéré comme l’un des acteurs de la naissance du mouvement de la justice réparatrice, en 1974, à la suite du célèbre « cas Elmira » dans lequel il avait convaincu des adolescents vandales de passer de maison en maison pour présenter des excuses à leurs victimes, il est mal à l’aise lorsque les feux sont braqués sur lui et il n’aime pas être le centre de l’attention. Pour Stacey, cela témoigne de son caractère.
« Il porte cette humilité tranquille en lui et c’est un esprit brillant, explique-t-elle. Il ne cherche pas les honneurs. C’est le gars qui se tient dans le fond de la pièce, silencieux, et qui absorbe tout. Quand je travaillais avec lui, il était généreux de son temps et il m’a amenée à acquérir mes compétences dans ce domaine sans jamais me bousculer. Je ne pouvais pas rêver d’un meilleur mentor ».
Stacey explique qu’il lui a entre autres enseigné l’importance de simplement écouter les gens sans jugement, sans parti pris et sans idées préconçues. Pour certains, cela peut être ardu, compte tenu du fait qu’ils traitent souvent avec des délinquants qui ont commis des crimes odieux contre des innocents, qui étaient souvent leurs proches. Mais pour Mark, cette écoute semble toute naturelle, explique Stacey.
« Ce que j’ai appris de Mark ne peut pas être écrit, verbalisé ou expliqué. Il suffit de s’asseoir en retrait, de regarder et d’apprendre, car son approche est vraiment remarquable. Il est compatissant envers chaque délinquant avec lequel il travaille, tout comme auprès des victimes, et il traite chaque cas sans jugement ni attente. J’étais toujours étonnée de constater à quel point il était bon dans ce qu’il faisait. Je le suis toujours. »
L’un des premiers cas pour lesquels Stacey a eu l’occasion de travailler avec Mark était celui de Susan McDonald. Ce fut, pour Stacey, la première expérience d’une médiation entre une victime et un délinquant de substitution. (Dans ces cas, une victime et un délinquant impliqués dans des affaires distinctes, mais similaires, sont jumelés pour passer à travers un processus de justice réparatrice.)
Dans le cas de Susan, sa grand-mère avait été agressée sexuellement et assassinée en 1994 par une personne qui n’avait pas été trouvée. Le délinquant de substitution était un homme qui avait agressé sexuellement et tué une femme âgée. Bien qu’ils n’étaient pas reliés par la même affaire, leurs situations présentaient d’étonnantes similitudes, de sorte que Susan et le délinquant ont pu se rencontrer et se donner, l’un l’autre, des choses dont ils avaient besoin. Dans le cas de Susan, elle avait besoin d’une réponse à sa question : « Pourquoi quelqu’un ferait-il subir cela à une personne âgée? » Le délinquant, pour sa part, avait besoin d’une chance de donner des explications.
Ce cas a frappé Stacey, non seulement en raison de la situation sous-jacente, mais aussi à cause de la créativité dont Mark a fait preuve pour mener sa médiation.
« Il m’a appris que si on envisage ou si on utilise uniquement un procédé classique, on risque de ne pas satisfaire les besoins des personnes. J’ai compris qu’il faut songer globalement aux manières dont le programme peut aider les gens. Le recours à l’approche de substitution pour Susan et le délinquant s’est avéré un excellent exemple de la capacité de Mark de sortir des sentiers battus pour permettre aux deux parties de tirer ce dont elles ont besoin d’un processus de médiation. »
Bien que cette carrière ait été enrichissante pour Stacey, elle constate que le grand public comprend encore mal la nature de la justice réparatrice et les objectifs du processus de justice réparatrice. Cela ne la décourage pas, cependant. Elle croit fermement en ce qu’elle fait et elle croit à la capacité de la justice réparatrice de transformer des vies pour le mieux.
« Il y a beaucoup de jugements envers les gens qui ont commis des crimes graves et violents, explique-t-elle. Mais je pense qu’on oublie un élément important : les gens qui ont été victimes peuvent également victimiser d’autres personnes. Je n’ai jamais encore rencontré un délinquant qui n’avait pas été une victime lui-même. Chacun d’entre eux a été lésé d’une certaine façon, le plus souvent par une agression sexuelle et violente, à l’enfance, pendant des années cruciales pour le développement. Selon moi, ce programme pourrait s’avérer une solution pour briser le cycle de l’utilisation de la violence comme moyen de faire face à la violence. »
« À ceux qui ne comprennent pas ce que je fais, je réponds : “Si je perdais un être cher d’une manière violente, mon propre processus de justice réparatrice ne serait peut-être pas axé sur le pardon, mais plutôt sur l’obtention des réponses dont j’aurais besoin pour trouver la paix”. Les gens viennent à ce programme avec une variété de besoins. Ils veulent parfois des réponses. Dans d’autres cas, ils cherchent à trouver un moyen de pardonner. C’est différent pour chaque personne. Quand je travaille avec les gens, je fais en sorte qu’ils aient une chance de raconter leur histoire afin qu’ils se sentent entendus et pris au sérieux. Ensuite seulement nous voyons pour le reste. »
Commentaires
Stacey, thank you for sharing your story !