Lorsqu’un événement faisant de nombreuses victimes survient aux États-Unis ou ailleurs, les médias ne montrent qu’en surface ce qui se passe réellement sur le terrain.
Ces moments qui se transforment en tragédies, comme l’attentat à la bombe du marathon de Boston, le massacre d’Orlando et, possiblement le pire de tous, la fusillade à l’école primaire Sandy Hook de Newton, au Connecticut, en 2012, sont souvent représentés par des images en continu de bruits de sirènes, de personnes courant dans des rues encombrées par les véhicules d’urgence et de commentaires d’experts diffusés en boucle qui tentent d’en démystifier le sens.
Au milieu du chaos et du carnage se trouve une armée d’intervenants de première ligne composée d’ambulanciers paramédicaux, d’agents de police et de pompiers. Derrière eux suit un groupe d’intervenants de deuxième et de troisième ligne qui tentent non seulement de recueillir des éléments de preuve et de monter un dossier contre les auteurs, mais qui aident également à identifier les principales victimes et à joindre les membres de leur famille pour qu’ils puissent être à leurs côtés.
« À titre de plus ancien organisme d’application de la loi aux États-Unis, nous devons nous soucier des victimes », avance Sarah J. Wallis (nom fictif), gestionnaire du programme d’aide aux victimes du FBI.
À l’occasion d’un voyage récent à l’administration centrale du Service correctionnel du Canada à Ottawa, celle-ci a décrit son rôle dans le programme d’aide aux victimes du FBI. « Généralement, nous apprenons la nouvelle dans les médias et nous savons ce qui nous attend, précise-t-elle. Nous commençons à faire nos bagages et nous attendons l’appel ».
Les gestionnaires des programmes d’aide aux victimes et les spécialistes des services aux victimes du FBI tels que Sarah peuvent arriver sur la scène dans les heures qui suivent un incident. Leur première tâche consiste à identifier et à aider les victimes et les membres de leur famille, puis à dresser une liste des victimes. « Nous collaborons avec les hôpitaux et les services d’urgence locaux dans le but d’identifier le plus de victimes possible. »
Cela ne comprend pas seulement les victimes principales, mais également les membres de leur famille et leurs amis qui pourraient avoir été témoins de l’événement. Sarah et son équipe offrent des services aux principales victimes, ce qui nécessite souvent de faire venir par avion, de partout au pays, les membres de la famille pour qu’ils puissent être à leurs côtés.
« Nous avons accès à des fonds qui nous permettent de contourner les lourdeurs administratives et de faire venir les proches le plus rapidement possible, indique‑t‑elle. Nous les appelons, leur indiquons de se rendre à l’aéroport où leurs billets seront prêts à la porte. À leur arrivée, nous les aidons également à trouver de l’hébergement, une tâche qui peut être difficile, particulièrement dans le cas d’un événement comme l’attentat à la bombe du marathon de Boston. »
Pour les agents et l’équipe de spécialistes des services d’aide aux victimes, la tâche sur le terrain peut s’avérer exténuante. « Une chose est certaine : vous ne dormirez pas pendant les trois premiers jours, précise-t-elle. Vous pouvez aller prendre une douche à votre chambre et changer de vêtements, mais vous devez ensuite retourner au boulot. Ensuite, vous devez faire des journées de 15 heures, tant que la situation l’exige. »
La tâche est très éprouvante pour les agents et les spécialistes des services d’aide aux victimes du FBI. Ils sont confrontés au traumatisme initial, souvent intense, subi par les victimes et les proches et doivent également annoncer la mort violente d’un être aimé au plus proche parent. Dans le cas de la fusillade de Sandy Hook, où 20 enfants âgés de 6 et 7 ans ont été assassinés par un homme armé, la tâche était parfois insupportable.
« La fusillade de Sandy Hook a été horrible. Tout le monde a été fortement ébranlé, précise-t-elle. C’était dans une petite collectivité ayant peu de ressources. Donc, même si nous n’étions pas en charge, nous avions réellement un grand rôle à jouer.
Certains membres de l’équipe ont fait savoir qu’ils n’en pouvaient plus, et c’est compréhensible. Je suis très heureuse que nous ayons créé un environnement (au FBI) où les membres de l’équipe peuvent dire ce genre de chose ouvertement. La fusillade de Sandy Hook a été incroyablement difficile, ils n’ont simplement pas pu le supporter. »
Le traumatisme secondaire fait partie des principaux risques professionnels quand on est membre du programme d’aide aux victimes du FBI, qui n’est toutefois pas perçu comme un signe de faiblesse. « Nous encourageons les intervenants à prendre congé après un tel événement, car il faut du temps pour tourner la page. » Sarah admet que ce travail n’est pas fait pour tout le monde et que même ses collègues les plus robustes peuvent être durement affectés par ce qu’ils entendent et voient.
« Certaines personnes ne connaissent pas leurs limites; nous devons donc leur dire qu’elles peuvent prendre du recul et un congé », précise-t-elle.
Elle soutient qu’il ne faut pas prendre ces risques à la légère. « Le taux de suicide parmi les intervenants de première ligne a quadruplé au cours des cinq années qui ont suivi l’attaque à la bombe de Lockerbie en Écosse », souligne-t-elle. L’attaque à la bombe du vol 103 de Pan Am en 1988 est survenue au-dessus d’un secteur résidentiel et a causé la mort de 243 passagers, 16 membres d’équipage et 11 personnes au sol.
« Un intervenant peut subir de graves blessures psychologiques en raison du type de traumatisme auquel il est exposé. Ces blessures psychologiques doivent être traitées de la même manière que les blessures physiques. Le FBI doit prendre des mesures pour faire en sorte qu’il soit normal de demander de l’aide et encourager les intervenants à en demander. »