Dans vos mots – Eddy Grunig

Reportages

J’avais 14 ans quand j’ai entendu parler pour la première fois de Matthew Sheppard. Je me souviens d’avoir regardé les nouvelles, fasciné par sa photo affichée à l’écran. Je me suis dit : il a de si beaux cheveux; j’aimerais avoir des cheveux comme ça. Puis, j’ai lu les sous-titres et je suis resté figé alors qu’on racontait comment un jeune homme gai avait été assassiné, victime d’un crime haineux brutal. Matthew Sheppard avait 21 ans quand il a été battu, torturé et laissé pour mort, placé tête en bas sur une clôture par un groupe de collégiens locaux. Tout ça parce qu’il était gai. C’est un moment de ma vie que je n’oublierai jamais, car c’est à ce moment-là que j’ai réalisé qu’être comme je suis, être différent, pouvait être dangereux. En un instant, j’ai commencé à avoir peur d’être comme je suis et j’ai voulu cacher tout de moi qui était « gai ». J’ai commencé à me demander si je serais la victime d’un crime haineux. Serais-je intimidé? Agressé? La même chose m’arriverait-elle dans ma petite ville de 700 habitants? À un jeune âge, j’étais tout sauf fier de la personne que je suis.
 

Je me considère chanceux d’avoir grandi dans un foyer très aimant et ouvert avec des parents incroyablement attentionnés. Je pense ainsi parce qu’il y a encore des personnes dans la communauté LGBTBA qui n’ont pas eu ou qui n’ont pas autant de chance que moi. Les taux d’itinérance parmi les jeunes gais et lesbiennes sont presque le double de ceux de leurs pairs hétérosexuels. En outre, les taux de suicide sont excessivement plus élevés pour les jeunes qui s’identifient comme gais. Je suis chanceux d’avoir des parents qui m’aiment et qui ont éveillé en moi un sentiment de confiance et de fierté à propos de qui je suis. Mais ne dites jamais cela à ma mère. Elle se met tellement en colère lorsque je lui rappelle ma chance, parce qu’elle croit qu’aucun enfant ne devrait se sentir chanceux d’avoir des parents qui l’aiment (et si vous connaissez ma mère, vous savez qu’elle aura le dernier mot).
 

L’école secondaire a été difficile pour moi malgré tous mes efforts pour cacher le fait que j’étais gai. On se moquait de moi sans cesse, agressivement et parfois même physiquement. Ne vous méprenez pas, je ne cherche pas à attirer la pitié. C’était juste ma réalité. Je crois fermement que grâce à mes parents, je suis devenu un jeune homme bien adapté, confiant et empathique ayant beaucoup à donner à la société. Je suis très chanceux alors que de nombreuses personnes qui ont eu des expériences semblables aux miennes ne le sont pas.
 

J’ai commencé à travailler dans le domaine des services correctionnels au Centre régional de traitement de l’Ontario, au Pénitencier de Kingston, lorsque je fréquentais l’université à Kingston. J’adorais l’excitation d’aller travailler dans un pénitencier chaque jour. J’ai aimé avoir un directeur d’établissement comme supérieur, j’adorais l’excitation que je suscitais chez les gens lorsque je leur disais que je travaillais dans un pénitencier, mais plus que tout, j’ai vraiment aimé les gens. C’était ici que je sentais pour la première fois que je faisais partie de quelque chose de plus grand. C’est dans les services correctionnels que j’ai remarqué que les gens ne m’intimidaient pas pour ce que je suis et que les gens m’aimaient réellement. Ils pensaient que j’étais drôle et intelligent, et j’ai commencé à prendre confiance en moi et à me sentir à l’aise avec ma sexualité, tout cela grâce au soutien et à l’acceptation de mes collègues. Je me suis trouvé entouré de personnes de toutes sortes d’ethnies, de groupes d’âge et d’orientations sexuelles. Tout le monde était différent, mais nous étions tous dans la même équipe.
 

Je suis passé à l’Établissement de Bath l’été suivant et de là, je suis allé au Bureau des libérations conditionnelles de Kingston. Quand j’ai commencé ma maîtrise à Ottawa, j’ai été transféré au Bureau des libérations conditionnelles d’Ottawa. Chaque bureau dans lequel j’ai travaillé a aidé à renforcer ma confiance d’une façon unique. Rencontrer des hommes et des femmes avec qui je pouvais m’associer, qui avaient des histoires et des expériences similaires, m’a donné une nouvelle confiance. Pour la première fois, j’ai remarqué que je n’avais pas honte ou peur d’être qui je suis, et j’étais fier d’être un homme gai travaillant pour le SCC.

 

Je suis privilégié.
 

Ce sont deux agents correctionnels qui m’ont amené à mon premier défilé de la fierté à Toronto en 2004. Je n’oublierai jamais l’excitation et l’émerveillement que je ressentais. Il y avait tellement de personnes comme moi là-bas! Il y avait aussi des gens différents de moi, mais qui étaient là pour témoigner leur appui aux personnes comme moi. Je me rappelle quand j’ai vu des membres du ministère de la Sécurité communautaire et des Services correctionnels de l’Ontario participer au défilé, certains marchant dans la rue en uniforme, main dans la main. Je me suis toujours demandé pourquoi le SCC n’était pas présent. Après tout, c’étaient cette organisation et les gens qui y travaillaient qui m’ont fait me sentir si accepté en premier lieu. Je nous voulais là et je voulais voir nos agents correctionnels défiler comme les forces armées l’ont fait. Je voulais que tout le monde soit fier comme moi. Quelle belle façon de dire merci à une organisation qui a changé ma vie!
 

J’ai décidé un jour de printemps de proposer une participation au défilé d’Ottawa. Après tout, qu’avais-je à perdre? Après quelques échanges de courriels avec un directeur général avec qui j’avais précédemment travaillé à quelques projets, j’ai reçu l’approbation d’aller de l’avant avec ma proposition de faire participer le SCC non seulement au défilé d’Ottawa, mais à n’importe quel défilé de la fierté dans l’ensemble du pays! Je savais ce que le défilé de la fierté signifiait pour moi – c’était l’occasion d’être pleinement accepté. Pendant un jour, je pouvais marcher main dans la main avec mon ami de cœur dans le milieu de la rue et ne pas me sentir jugé, ciblé ou effrayé. C’était un moment pendant lequel je pouvais finalement me sentir fier. Mais ce n’est là que mon histoire à moi. Il y a des millions de personnes qui ont la leur et dont la fierté a sa propre signification. Je suis si fier ces jours-ci : fier de moi, fier de mes collègues de travail, fier des services correctionnels et fier de ma propre organisation qui montre l’exemple en matière d’acceptation dans la fonction publique.
 

En 2014, le SCC est devenu le premier ministère fédéral à lancer officiellement l’Initiative de l’Espace positif. Notre commissaire et ses collègues du Comité de direction ont assisté à la première séance de formation d’Espace positif le 4 novembre 2015. Il ne fait aucun doute que la direction au sein du SCC s’engage à favoriser un environnement de travail sécuritaire et accueillant pour tout le monde, peu importe l’orientation sexuelle. Participer au défilé de la fierté gaie d’Ottawa pour la première fois a renforcé cet engagement.  
 

Cela fait des années que Matthew Sheppard est décédé de façon si horrible, et nous avons fait beaucoup de chemin depuis, mais des incidents comme la tragédie d’Orlando il y a quelques mois est un triste rappel que la lutte pour l’égalité et l’acceptation est loin d’être terminée. Voilà pourquoi le défilé de la fierté est si important. C’est bien plus que « juste un défilé ». Pour beaucoup de personnes, c’est la première fois qu’elles sentent qu’elles font partie d’une communauté. C’est la première fois qu’elles ne se sentent pas seules ou différentes et, peut-être, la première fois qu’elles se sentent acceptées.
 

Je m’adresse particulièrement à cette fille au bureau qui ne penserait pas que ses collègues l’accepteront telle qu’elle est ou, disons, à ce petit garçon blond aux pommettes hautes d’une petite ville qui pense qu’il est le seul au monde à lire Vogue avec une lampe de poche sous ses couvertures au camp. Ceci est mon histoire, mais c’était notre défilé. C’était notre journée. Et nous devrions tous être fiers, reconnaissants et (désolé, maman) même nous compter chanceux de travailler pour une organisation si acceptante et si progressiste. Merci aux personnes qui ont contribué à faire de cette journée un merveilleux succès.
 

Aujourd’hui, nous défilons ensemble; aujourd’hui, nous défilons avec fierté

Date de mise à jour :

Commentaires

Nathalie Bigras

Wonderful story Eddy, well done well said!

Jean-François.D...

Félicitations Eddy! Quelle belle histoire :D

SylvieS

Eddy, thanks for sharing. And you are right that even to this day, not everyone gets the support and the love that they deserve and need, both while they decide to come out and after. I will share your story as I believe it can inspire others. Regards. Sylvie

LauraM

Thanks for your wonderful story Eddy! It truly touched my heart!