Des artistes émus par leur visite du Village de guérison Kwìkwèxwelhp

Reportages

Les étudiantes de cycle supérieur à l’Université Simon Fraser Aaren Ivers et Vesna Maljkovic ont récemment eu l’occasion de visiter le Village de guérison Kwìkwèxwelhp, un établissement correctionnel à sécurité minimale dans la communauté de Harrison Mills en Colombie-Britannique. L’établissement est exploité par le Service correctionnel du Canada en étroite collaboration avec le peuple Sts'ailes.

L’expérience a tellement touché Aaren et Vesna qu’elles ont décidé de faire équipe afin de publier un court ouvrage intitulé « The Gift » axé sur l’établissement, le personnel, les délinquants et la communauté environnante.

Dans le livre, un poème raconte l’histoire fictive de deux frères d’une communauté voisine dont les parents n’ont pas les moyens de leur acheter chacun un lit pour la petite chambre qu’ils partagent. Les frères apprennent l’existence du Village de guérison Kwìkwèxwelhp et de ses programmes et sont surpris de recevoir un jour des lits superposés sculptés à la main par un délinquant et offerts par l’établissement.

Voici, dans leurs propres mots, le récit de la rencontre entre Aaren et Vesna, ce qu’elles retiennent du Village de guérison Kwìkwèxwelhp et pourquoi elles ont créé « The Gift ».

Aaren Ivers : L’Université Simon Fraser offrait une classe multidisciplinaire de deuxième cycle basée sur une série de conférences intitulée « President's Dream Colloquium on Returning to the Teachings: Justice, Identity and Belonging » (colloque du rêve du président sur le retour aux enseignements : justice, identité et appartenance). Vesna était inscrite à la faculté d’éducation, moi, à l’école de criminologie. Nous nous sommes rencontrées dans cette classe.

Dans le cadre de cette classe, nous avons été invitées au Village de guérison Kwìkwèxwelhp, un établissement carcéral fédéral pour hommes qui est destiné aux délinquants des Premières Nations et qui utilise des enseignements traditionnels et des pratiques culturelles pour aider à la réadaptation des détenus pendant leur incarcération.

Je connaissais un peu les pratiques de justice réparatrice à d’autres étapes du système de justice pénale, mais j’avais peu lu au sujet de ces principes dans un cadre correctionnel. Je savais que les approches de ce type n’étaient pas monnaie courante et j’avais hâte de découvrir ce qui se passait à cet endroit

Vesna Maljkovic : Malheureusement, je n’ai pas pu visiter l’établissement à ce moment‑là. Puisque je n’ai pas pu découvrir cet endroit unique en personne, j’ai dû me fier à la description et à la perspective de mes collègues.

Aaren : J’ai été vraiment impressionnée par l’établissement. Après ma première visite, je racontais à qui voulait bien l’entendre que le Village de guérison Kwìkwèxwelhp était un modèle extrêmement intéressant et prometteur pour les services correctionnels.  

L’administration et le personnel de l’établissement font un travail exceptionnel et je pense que l’endroit mérite qu’on s’y attarde. Je n’ai pas trouvé de littérature didactique qui parle de l’endroit spécifiquement, ce qui est dommage parce que je crois qu’utiliser leurs méthodes et leurs approches envers la réadaptation permettrait de corriger des manquements répandus dans le domaine correctionnel.

La population doit comprendre que les personnes reconnues coupables de crimes sont très rarement enfermées en prison pour toujours. Éventuellement, ces personnes retourneront dans la collectivité. Par conséquent, mettre les détenus en entrepôt pendant leur peine d'emprisonnement et ne pas se préoccuper de leur réadaptation pendant leur incarcération est un sérieux problème.

Vesna : La plupart de mes collègues, sinon tous, ont trouvé le village formidable. Ils parlaient avec tant de compassion des hommes qui purgeaient leurs peines que nous en oubliions qu’ils étaient des prisonniers dont plusieurs avaient commis des crimes graves.

Ils parlaient de leur douceur, de leur volonté d’apprendre et de contribuer à la société, des remords qu’ils éprouvaient. Les anecdotes projetaient un éclairage thérapeutique de l’endroit et nous le sentions tous. Alors qu’elles racontaient ce qu’elles avaient ressenti, plusieurs personnes pleuraient et plusieurs de leurs auditeurs faisaient de même. J’essayais de garder mon sang-froid, mais ce n’était pas toujours facile.

Aaren : Le Village de guérison Kwìkwèxwelhp est un environnement qui encourage l’amélioration de soi et l’éventuelle réintégration au sein de la collectivité. La prison elle-même donnait l’impression d’une communauté solide et intégrée. Les hommes partagent des espaces de vie, ont un budget d’épicerie et doivent préparer eux-mêmes leurs repas.

Au cours de la visite, ils nous ont expliqué certains des projets auxquels travaillent les résidents qui bénéficient à la collectivité.

Un sculpteur a parlé du programme « Travailler pour donner » et a mentionné qu’il sculptait des lits qui étaient ensuite remis à des personnes dans le besoin des réserves avoisinantes. Cette anecdote m'a particulièrement marquée. La personne qui me l’a dit faisait un commentaire spontané, sans aller dans les détails, mais cela m’a marquée et mon imagination a fait le reste.

Je n’avais pas de grandes intentions lorsque j’ai écrit le poème, mais je songeais à ma visite et un poème me semblait être une bonne façon de présenter mes sentiments à mes camarades de classe. Vesna l’a beaucoup aimé et elle a offert de créer des illustrations pour le poème, ce qui a vraiment donné vie au récit.

Vesna : Son poème m'a fait un tel effet que lorsqu’elle a fini de le lire, des larmes coulaient le long de mes joues. J’ai été profondément touchée par la simplicité des vers qui décrivaient la profondeur de la nature humaine, des relations, des enseignements et des deux jeunes frères engagés sur la voie vers le monde complexe de la vie adulte.

En tant qu’artiste et éducatrice, mon premier réflexe a été de participer et de contribuer pour amener ce récit plus loin. Je craignais que si je ne faisais rien, ce récit ne voie pas la lumière du jour.

J’ai été tellement inspirée par cette belle histoire que je me suis sentie appelée à créer des illustrations et à commencer à dessiner et à peindre sur-le-champ. Lorsque j’ai abordé Aaren avec cette idée, elle l’a trouvée emballante.

À la fin du semestre, le livre était entièrement illustré et imprimé et nous avons pu présenter notre projet final à nos collègues. Comme les commentaires ont été très positifs, Aaren et moi avons commencé à explorer les possibilités de publier le livre nous-mêmes et de remettre l’ensemble des profits à la collectivité de Kwìkwèxwelhp ou peut-être aux familles des résidents, leurs enfants ou à d’autres personnes dans le besoin.

Aaren : Nous avons remis un exemplaire du livre au directeur adjoint du Village de guérison Kwìkwèxwelhp en guise de remerciements pour les efforts du personnel qui nous ont ouvert l’esprit. On nous dit que l’ouvrage a été bien reçu. Nous avons été touchées de leurs commentaires extrêmement positifs et leur avons donné la permission de l’utiliser comme bon leur semble.

Lorsque j’ai terminé une des premières ébauches du livre, j’en ai envoyé un exemplaire à ma mère qui m’a dit que lorsque j’étais bébé, j’avais eu un berceau qui avait été sculpté par des détenus d’une prison de la région. Évidemment, je ne me souvenais pas de ce détail de mon enfance, mais je me souvenais du berceau dont elle parlait. Lorsqu’elle a mentionné ce détail, ça ne m'a pas semblé étrange. Je crois donc que ce souvenir devait être enterré dans mon subconscient. Il m’a probablement influencée pendant la rédaction du poème initial.

Vesna : À la soirée de clôture du colloque, on nous a présenté Claude Demers, le directeur adjoint du Village de guérison Kwìkwèxwelhp qui nous a dit avoir aimé notre ouvrage. Il a présenté notre livre à la directrice, Marie Cossette, qui a réagi très positivement.

Aaren : Une fois le livre terminé, la direction du Village de guérison Kwìkwèxwelhp nous a réinvitées Vesna et moi. Bien sûr, nous n’avons pas raté l’occasion. Pendant une cérémonie à laquelle nous assistions, nous avons eu la surprise de recevoir en cadeau des couvertures et des sculptures.

Ce fut une expérience merveilleuse. Je me sentais à la fois peu méritante et très honorée. Le Village de guérison Kwìkwèxwelhp est une communauté extraordinaire. J’espère que beaucoup de gens apprendront ce qui s’y passe.

De plus, j’espère que ceux qui liront « The Gift » comprendront comment les nouvelles approches en matière de réadaptation des délinquants peuvent être bénéfiques non seulement aux délinquants, mais aux collectivités qui les accueilleront un jour.

Nous tenons à remercier le personnel et les résidents du Village de guérison Kwìkwèxwelhp pour l’invitation faite à notre classe. Nous remercions tout spécialement la Dre Brenda Morrison qui a organisé la visite.

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