Le travail d’une agente correctionnelle durant les premières années – Questions et réponses

Reportages

(Publié en 2016)

 

En 1984, Elizabeth Van Allen et Marg McCullough ont fait partie de la première vague d’embauche de femmes agentes correctionnelles au SCC. Elles ont participé au même programme de formation correctionnelle à Kingston en Ontario pendant 13 semaines, puis elles ont commencé leur carrière de CX-01 dans deux établissements différents – Elizabeth au Pénitencier de Kingston (PK) et Marg à l’Établissement de Collins Bay. Afin de célébrer la Journée internationale des femmes de 2016, Entre Nous Express les a rencontrées afin de savoir comment elles ont vécu le fait d’être parmi les premières femmes à travailler comme agentes correctionnelles. Voici ce qu’elles avaient à raconter.

 

Qu’est-ce qui vous a amenées à travailler au SCC?

 

E: Je n’avais jamais pensé travailler dans les services correctionnels. Mon père travaillait au SCC en tant qu’agent de formation au collège du personnel, mais il ne parlait jamais du travail et je n’en avais pas une idée juste. Cependant, lorsque je suis allée à l’Université Queen’s, j’ai étudié la sociologie et plusieurs de mes cours étaient axés sur la criminologie. Nous avions souvent des visites et des conférences de membres de la Société John Howard et d’autres partenaires du système correctionnel, et c’est là que tout le concept de la réinsertion sociale des délinquants a piqué ma curiosité. J’ai décidé que je voulais être agente de libération conditionnelle, ou agente de gestion des cas comme on appelait le poste à l’époque. Malheureusement, le SCC n’avait pas de tels postes à combler à ce moment-là; j’ai donc pensé devenir agente correctionnelle, puis trouver un moyen d’accéder à la gestion des cas. 

 

M: Après avoir obtenu un B.A. et un baccalauréat en éducation à l’université, j'ai enseigné à l’école primaire à Kingston pendant quelques années; j’ai quitté ce travail pour élever mes deux enfants en bas âge. J’ai rapidement eu besoin d’un travail à temps plein après le départ de mon mari. Des amis m’ont indiqué que le SCC et la gestion des cas correspondraient bien à mes habiletés. Cependant, on n’y embauchait que des agents correctionnels. J’ai décidé de faire un saut dans l’inconnu; j’ai commencé la formation de base en septembre 1983. C’était un nouveau départ pour moi, et j’espérais bien devenir agente de gestion des cas/agente de libération conditionnelle un jour.

 

Comment avez-vous été reçues la première journée où vous vous êtes présentées au travail?

 

E: Lorsque je suis arrivée au PK, six femmes agentes correctionnelles y travaillaient déjà. Je me souviens d’avoir travaillé dans le dôme où se trouvaient les unités résidentielles, et on m’a demandé de faire ce qu’on demandait à tout le monde de faire. On ne m’a pas assigné de tâches différentes. Cela dit, je me rappelle un peu d’hostilité de la part de quelques-uns - pas tous - de mes collègues masculins simplement parce que j'étais une jeune femme diplômée de l’université. À cette époque, le SCC avait modifié ses règles d’embauche de façon que seules les personnes détenant un diplôme universitaire pouvaient être embauchées, alors je crois que les hommes qui travaillaient à cet endroit depuis 25 ans avec un diplôme d’études secondaires en poche ou moins se sentaient un peu mal à l’aise. Ajoutez à cela le fait que mon père travaillait au collège du personnel; les gens pouvaient donc penser que j’avais été embauchée seulement grâce à lui. C’étaient quelques obstacles auxquels j’étais confrontée. 

 

M: Je ne me rappelle pas beaucoup ma première journée à l’Établissement de Collins Bay. Nous étions en mode formation et c’était tout juste avant Noël, alors c’était plutôt tranquille. Mes compagnons du groupe de base et moi (nous étions huit) avions tendance à nous côtoyer au début. Une bonne partie de cette période-là est floue, mais je me souviens d’un incident en particulier. Lorsque je suis arrivée à la cuisine pour la formation, l’agent correctionnel principal en service m’a totalement ignorée. J’ai saisi l’occasion pour explorer l’endroit par moi-même et parler au personnel de la cuisine. Finalement, l’agent s’est approché de moi et, devant tout le monde, a sorti ses clés, en a retiré une et me l’a remise en me disant uniquement voici la clé et voilà la porte, et que c’était tout ce que je devais savoir. Un des employés civils de la cuisine m’a dit que je n’avais pas à subir ce genre de traitement. J’ai compris le message.  

 

Comment étiez-vous traitées au travail jour après jour?

 

E: Je ne me souviens d’aucun incident en particulier, mais à l’époque, je crois que la crainte que les hommes avaient de côtoyer des femmes dans l’environnement correctionnel venait davantage d’une perspective physique. Ils craignaient que si nous n’avions pas la force physique pour nous battre avec un détenu, en quoi serions-nous utiles à nos collègues? Ou, si un incident survenait, pourraient-ils se fier à nous autant qu’à leurs collègues masculins, ou si nous allions nous écrouler sous la pression?

Je crois que ce qu’il fallait, c’était que quelqu’un nous donne l’occasion de prouver que nous pouvions nous acquitter de notre tâche aussi bien que nos collègues masculins, et c’est ce qui m’est arrivé. Un jour, il y avait du désordre dans le dôme parce que les détenus refusaient de travailler. Ils détruisaient des choses, criaient, allumaient des feux et causaient énormément d’agitation. Mon superviseur masculin est venu me voir, m’a remis une poignée de menottes et d’entraves et m’a dit : « Voilà ta chance. » J’ai géré la situation avec succès, de concert avec mes collègues masculins, et j’ai prouvé que j’étais à la hauteur. Ça a été un point tournant pour moi.

 

M: À mon arrivée à l’Établissement de Collins Bay, il y avait quelques femmes agentes correctionnelles et de nombreux employés masculins de niveau CX-01. Les agents masculins avaient tendance à se regrouper dans des catégories. Il y avait ceux qui étaient ouvertement hostiles, ceux qui ne se compromettaient pas en suivant l’agent masculin qui était présent, et ceux qui étaient positifs et qui nous appuyaient. Il est devenu rapidement évident que la qualité de l’expérience de travail dépendait complètement du ou des agents présents au poste auquel nous étions affectées.

Lorsque j’y repense, je peux voir à quel point nous avons progressé. Je me souviens d’incidents lors d’affectations où j’étais avec d’autres et d’avoir fait l’objet d’allusions à caractère sexuel, de touchers et de tapotements, de brusqueries et de taquineries. Cela ne se produisait pas tout le temps, mais assez souvent pour que ce ne soit pas inhabituel. À l’époque, je supposais que tout cela faisait partie du travail et du milieu. Je n’aurais pas pu me plaindre à personne et je sentais que ça n’aurait vraiment pas été bon pour ma carrière. C’était ainsi que les choses se passaient.

 


Comment étiez-vous traitées par les détenus?

 

E: Je ne me rappelle pas avoir eu des problèmes avec les détenus. Je trouvais que c’était plus ardu de composer avec mes collègues qu’avec les détenus.

 

M: Les détenus n'ont jamais été un problème. Le problème, c’était mes collègues masculins.

 

Vous êtes-vous déjà senties pénalisées dans votre carrière parce que vous étiez des femmes?

 

E: Non. Quand je regarde les 32 années que j’ai passées au SCC et tout ce que j’ai accompli, je ne pense pas pouvoir dire que j’ai été pénalisée parce que j’étais une femme. J’ai atteint mon objectif de devenir agente de libération conditionnelle et j’ai toujours continué à partir de là. Mon but était de démontrer à mes collègues masculins que je pouvais faire le travail aussi bien qu’eux, et c’est ce que j’ai fait. J’ai aussi choisi de profiter des occasions qui se sont présentées à moi. Je ne prétends pas que tout était parfait, parce que j’ai dû affronter des défis comme tout le monde, mais ces défis m’ont rendue plus forte et ont contribué à mon cheminement personnel.

 

M: Je crois que ça dépend de la direction que vous voulez prendre. Le travail lié à la sécurité que j’ai effectué à l’Établissement de Collins Bay n’était pas agréable, mais je participais à des concours et je me plaçais toujours haut dans la liste. De cette façon, je suis allée à l’Établissement de Joyceville en tant qu’agente d’unité résidentielle de niveau 01, un poste où le travail lié à la sécurité était combiné à un peu de gestion de cas, et où on ne devait pas porter l’uniforme de CX. Cette expérience d’apprentissage a été tout à fait positive. Par la suite, j’ai participé à un concours pour un poste d’agent correctionnel principal et je me suis encore placée haut dans la liste. Je suis retournée à l’Établissement de Collins Bay et j’ai constaté que l’autre agente correctionnelle principale avait quitté; j’étais donc maintenant la seule femme à occuper ce poste. Je reconnais que plusieurs collègues masculins voulaient ce poste et qu’ils auraient probablement été excellents. Cependant, soit ils n’avaient pas participé au concours, soit ils n’avaient pas réussi à se placer dans la liste. Mon expérience en tant que seule femme CX-03 dans un poste de supervision n’a strictement rien donné à ce moment-là. Les sous-entendus et les fausses accusations, malgré tous mes efforts pour bien faire le travail, m’ont épuisée. À l’époque, je n’avais aucun recours et je ne bénéficiais d’aucun soutien. 

 

En rétrospective, avez-vous accompli tout ce que vous souhaitiez au cours de votre carrière? 

 

E: Absolument. Comme je l’ai mentionné, lorsque j’ai débuté au PK à 21 ans, je voulais être agente de libération conditionnelle. Une fois cela accompli, j’ai voulu devenir directrice de pénitencier. Je n’ai jamais atteint ce but, mais on m’a offert de belles occasions à l’AR et à l’AC. Je suis membre du Comité de direction depuis 2005, et j’y ai rempli plusieurs fonctions au fil des années. Entre autres, j’ai occupé le poste très gratifiant de sous-commissaire régionale, Prairies. Aujourd’hui, je suis commissaire adjointe, Gestion des ressources humaines, et je dois régler des enjeux organisationnels tout en m’assurant que les employés de talent des RH sont pleinement en mesure de soutenir notre environnement opérationnel. Au départ, je n’avais jamais pensé devenir membre du Comité de direction. Cela me semblait impossible, mais j’ai franchi des portes qui m’ont été ouvertes, et je suis arrivée où j’en suis aujourd’hui.

 

Au début de ma carrière, il n’y avait pas beaucoup de femmes qui occupaient des postes de direction. C’était encore un milieu largement dominé par les hommes. Même après mon arrivée à l’AC en 1998, il y avait peu de femmes qui siégeaient au Comité de direction. Il est évident que c’était un monde d’hommes durant les premières années, mais je crois que j’ai su comment faire mon chemin grâce à mon expérience de CX. Je peux honnêtement affirmer que j’ai toujours senti que je faisais partie de l’équipe, et aujourd’hui je suis fière de dire que la parité hommes-femmes est à peu près atteinte au sein du Comité de direction. 
 

M: Oui. J’ai toujours voulu être agente de libération conditionnelle et élever ma famille, et c’est ce que j’ai fait!

Date de mise à jour :

Commentaires

Boltmp

"The First Female Correctional Officers" - the title is misleading as the first female correctional officers were hired in 1979 to work at the Regional Psychiatric Center in Saskatoon, Saskatchewan. Perhaps the title could have been, "hired within the first decade of having female correctional officers." Kudos to all those women who paved the way for future female Correctional Officers.

Meagan Smith

Great article!

Nathalie Bigras

Thank you for your honesty ladies!

thatwomaninIT

I worked with Liz and Marg at CBI for a number of years in the 1990s. They were both great to work with. It was exciting to see Liz go to NHQ and watch her career progress through the years.
Marg always was upbeat and very interesting to talk and listen to.
We had other Case Management staff that were amongst the first female CX and to all of them you have to give a great deal of credit for their leadership and overall great people skills.

Amanda Gordon

Thanks for sharing!