D’un point de vue externe, il peut sembler que la plupart des membres du personnel correctionnel vaquent à leurs occupations sans aucune difficulté. Ils se rendent au travail et exercent leurs fonctions conformément à des normes de travail rigoureuses et donnent l’impression de pouvoir surmonter tout obstacle. À première vue, la plupart des employés semblent bien s’en sortir, toutefois certains d’entre eux souffrent en silence.
Les employés des services correctionnels travaillent au sein d’un environnement où des incidents ont lieu dans des proportions égales ou supérieures à celles associées aux premiers intervenants de la collectivité. Ils font souvent face à des événements traumatisants ou en sont témoins – événements que la majorité des membres de la collectivité ne verront probablement jamais et ne peuvent s’imaginer. Il a été déterminé que les employés n’ayant pas été directement impliqués dans un incident peuvent également manifester des symptômes de traumatisme indirect à force d’entendre ou de lire des récits à propos d’incidents et d’événements traumatisants. L’ensemble du personnel est exposé à un risque accru d’épuisement professionnel, d’usure de compassion ainsi que d’atteintes liées au stress en milieu de travail.
Jusqu’à récemment, la santé mentale et les atteintes liées au stress en milieu de travail étaient des sujets que l’on évitait d’aborder. De récentes discussions semblent reconnaître que de nouvelles mesures doivent être prises afin de prévenir les effets négatifs sur la santé mentale des travailleurs correctionnels et d’y faire face. Des membres du personnel de tous les niveaux commencent à se manifester et à revendiquer de meilleurs services et mécanismes de soutien. Le fait de ne pas investir dans des services et des mécanismes de soutien engendre des coûts élevés non seulement sur le plan des finances et de la productivité, mais aussi à l’échelle individuelle par rapport à la santé mentale et au bien-être des travailleurs. Au cours des dernières années, de nouvelles ressources ont été mises en place afin de s’attaquer à cet enjeu, mais il est évident qu’il reste des progrès à faire.
Le nombre d’employés du milieu correctionnel aux prises avec des problèmes de santé mentale est beaucoup plus élevé que celui des personnes travaillant dans d’autres secteurs. En effet, certains employés sont atteints de dépression ou d’anxiété et présentent divers dysfonctionnements : troubles du sommeil, problèmes relationnels, problèmes de santé, sentiment de confusion, irritabilité, satisfaction moindre à l’égard de la vie, manque de motivation ou d’énergie, problèmes de toxicomanie et pensées suicidaires ou autodestructrices. Travaillant dans un milieu très exigeant, les employés de tous les niveaux sont parfois trop préoccupés ou dépassés par les événements pour se rendre compte des difficultés qu’éprouvent leurs collègues. Ceux qui en prennent conscience tentent de leur apporter de l’aide et du soutien du mieux qu’ils le peuvent, mais, bien souvent, ils ne savent pas comment leur venir en aide ou vers qui les orienter pour obtenir le soutien adéquat.
Le milieu correctionnel héberge des personnes jugées comme présentant un risque trop élevé pour demeurer au sein de la collectivité. Chaque jour, les agents mettent leur vie en danger afin d’assurer la sûreté et la sécurité de leur collectivité. Ils sont l’objet de menaces, sont exposés à des récits de violence, de crimes et de souffrances, sont témoins ou victimes d’agressions verbales et physiques et gèrent de graves incidents au sein de l’établissement. Parallèlement, ils veillent au bien-être et à la sécurité des personnes qui représentent une menace potentielle à leur propre sécurité et font l’objet d’enquête lorsqu’un détenu s’enlève la vie ou est tué. En outre, chacun de leurs gestes est scruté à la loupe lorsque les choses tournent mal. Cet environnement oblige bien souvent les agents correctionnels à faire preuve d’une vigilance accrue, ce qui est essentiel à l’exercice de leurs fonctions ainsi qu’à leur propre sécurité. Toutefois, cette obligation entraîne des répercussions négatives sur leur santé physique et mentale.
L’environnement correctionnel touche l’ensemble des membres du personnel (agents de libération conditionnelle, services de santé mentale, soins de santé, programmes, direction et tous les autres secteurs). Ils passent une grande partie de leur temps à lire des documents concernant des crimes commis et à écouter des récits traumatisants, et sont exposés à des souffrances morales. Les employés sont également témoins d’incidents et de blessures, et sont souvent victimes de menaces et d’attaques. L’ensemble du personnel du milieu correctionnel est plus à risque de présenter des symptômes d’usure de compassion, d’épuisement professionnel et de TSPT que la population en général.
Par ailleurs, le système correctionnel a récemment fait face à beaucoup de changements et d’incertitude. Le financement ne cesse de diminuer, alors que les responsabilités, les attentes et les demandes augmentent. Le temps dont les employés disposent pour communiquer entre eux, prendre leur santé en main ou participer à des activités visant à promouvoir un milieu de travail positif est devenu très limité. De nombreux éléments associés à un milieu de travail favorisant la santé mentale et le bien-être des employés sont absents du milieu carcéral.
Tel que mentionné plus haut, la plupart des employés ne cherchent pas à obtenir de l’aide, et ce, pour plusieurs raisons. Entre autres, le personnel correctionnel n’est pas censé être perturbé par ce qui se passe dans le cadre de ses fonctions puisque « cela fait partie du travail ». Les publications révèlent qu’il s’agit d’une attente irréaliste; demander de l’aide n’est pas un signe de faiblesse ni une preuve d’inaptitude pour le poste. Ce sont des réactions normales face à des événements anormaux.
Il existe encore bien des préjugés entourant les problèmes de santé mentale et les atteintes liées au stress en milieu de travail. Certains membres du personnel craignent de paraître « faibles » et un grand nombre d’entre eux sentent qu’ils doivent être « les plus forts » et, par conséquent, souffrent en silence. D’autres se soucient de ce que leurs collègues penseraient d’eux et ne se sentent pas à l’aise de parler de leurs problèmes. Le manque de ressources et de connaissances ainsi que les difficultés rencontrées lorsqu’ils cherchent à obtenir de l’aide dissuadent également certains employés. Parfois, les obligations financières les obligent à « ne pas en faire de cas » et à continuer, comme ils doivent subvenir à leurs besoins et à ceux de leur famille et n’ont pas d’autres moyens de recevoir un soutien financier. Dans certains cas, obtenir de l’aide financière se révèle particulièrement ardu, et beaucoup ont de la difficulté à prouver que leurs blessures ont été occasionnées par leur milieu de travail. Certains employés ont déjà utilisé leurs congés de maladie dans l’espoir de maintenir ou de retrouver leur santé mentale et ne possèdent pas suffisamment de congés pour être en mesure de traverser une période difficile jusqu’à ce qu’une indemnité pour incapacité leur soit accordée. Pour ce qui est du traitement d’une blessure, plus l’attente est longue, plus la blessure s’aggrave.
Des mécanismes de soutien ainsi que des ressources ont été mis en place afin de faire face aux enjeux mentionnés plus haut. Des équipes de soutien par les pairs (GSIC/PAE) bénévoles ont reçu une formation afin de sensibiliser les employés aux effets potentiels de leur milieu de travail et à l’autothérapie, et de les orienter vers des services externes au besoin. Des mesures telles que des mesures d’adaptation et des programmes de retour au travail ont également été instaurées afin de leur venir en aide. D’autres ressources sont également à leur disposition, notamment le Bureau de la gestion des conflits, les syndicats et la Direction des relations de travail. Bien que des progrès aient été réalisés en termes des services et ressources disponibles, il reste encore du chemin à faire. La prestation de services de santé mentale par des professionnels de la santé possédant une bonne connaissance des effets du milieu correctionnel sur le personnel ainsi que les compétences requises pour procéder à des interventions visant à favoriser le rétablissement des employés est essentielle au succès d’un Programme d’aide aux employés des services correctionnels. À l’heure actuelle, ce secteur présente plusieurs lacunes. En outre, offrir des séances de formation et de sensibilisation aux nouvelles recrues et aux membres du personnel sur les effets potentiels de l’environnement correctionnel sur la santé mentale pourrait constituer un moyen efficace d’accroître leur résilience.
Il ne fait aucun doute que d’importants efforts ont été déployés afin de trouver des façons d’améliorer les mécanismes de soutien et les services offerts aux membres du personnel correctionnel et d’atténuer les effets négatifs du milieu carcéral sur la santé mentale. Les employés de tous les niveaux et secteurs devront contribuer à ces efforts afin de pouvoir apporter les changements nécessaires. L’appui et les investissements initiaux des décideurs et de la direction, tout comme la coopération et la participation des employés, seront également indispensables. De façon générale, les employés des services correctionnels mettent du temps à accorder leur confiance. Ainsi, la présence de personnes qu’ils connaissent bien et qui préconisent et encouragent la communication revêt une importance cruciale.
Pour ceux d’entre vous qui passez par des moments difficiles, sachez que vous n’êtes pas seuls. Un grand nombre de personnes se trouvent dans une situation semblable à la vôtre et partagent et éprouvent les mêmes émotions. Il n’est jamais trop tard pour changer les choses et tout changement, si petit soit-il, peut entraîner de grandes réalisations. Nous sommes nombreux à connaître votre situation et nous poursuivrons nos efforts tant que nous n’aurons pas trouvé de meilleures façons de vous venir en aide. Vous êtes importants et votre bien-être nous tient à cœur. Nous tenons à vous remercier du travail que vous accomplissez et de tous les sacrifices que vous faites.
Commentaires
Excellent article, bien étoffé avec des faits pertinents. Le SSPT est difficile à vivre sans aide et s'aggrave avec le temps s'il n'est pas traité. Le SCC peut et doit faire beaucoup plus mais le personnel doit briser le silence aussi. Beaucoup de préjugés persistent.
Great article, well written and with pertinent facts. PTSD is difficult to live with without help and it gets worse if not treated in time. CSC can and must do more, a lot more, but staff have to break the silence too. Preconceived judgments persist.