Le traitement des troubles de santé mentale chez les délinquants est un défi auquel le SCC est régulièrement confronté.
Toutefois, des progrès sont continuellement réalisés grâce, notamment, à de nouvelles voix et à de nouvelles initiatives au sein de l’organisation.
Le SCC a récemment mis sur pied un nouveau Comité médical consultatif national afin de mieux intégrer l’expertise des médecins dans les discussions d’ordre opérationnel et stratégique. La première réunion a eu lieu en novembre dernier, et il est prévu que le Comité se réunisse deux fois par année en personne et deux fois par vidéoconférence.
Nous avons récemment eu l’occasion de discuter avec deux membres de ce comité : le conseiller médical national du SCC, le Dr James Worthington, et le nouveau psychiatre principal, le Dr Colin Cameron.
Voici ce qu’ils avaient à dire au sujet de leur travail au SCC, du Comité, des buts à atteindre et des défis à relever pour aller de l’avant.
Dr James Worthington
Le Dr Worthington est le conseiller médical national du SCC. Il a suivi sa formation initiale à l’école de médecine de Birmingham (au Royaume-Uni) avant d’occuper des postes dans de petits hôpitaux de la région. Il a déménagé au Canada et a pratiqué comme médecin de famille dans le nord-ouest de l’Ontario, puis dans le nord de la Saskatchewan. Il est retourné en Angleterre et a travaillé comme médecin de famille avant de revenir à l’Université d’Ottawa pour suivre une formation en médecine d’urgence. Après avoir obtenu son diplôme du programme de résidence, il s’est joint au personnel médical de l’Hôpital Civic qui est devenu par la suite l’Hôpital d’Ottawa, l’HO. Lors de son passage à l’HO, il a été chef du service de médecine d’urgence et a par la suite été promu à divers postes de direction. En 2016, il a pris sa retraite de l’HO où il occupait le poste de vice-président exécutif, Affaires médicales, Qualité et Sécurité des patients. Il est, depuis ce temps, le conseiller médical national du SCC.
Q : Pour quelqu’un qui ne connaît pas totalement la structure, pouvez-vous me dire ce que fait le conseiller médical national et quelles sont vos responsabilités?
James Worthington : Je dirais que, dans l’ensemble, il s’agit de faire entendre la voix du médecin ainsi que l’expérience et les connaissances de celui-ci dans l’élaboration et la prestation des services de santé destinés aux patients du SCC. J’ai donc mis l’accent sur l’élaboration d’un modèle de gouvernance pour les médecins.
Au cours des 18 derniers mois, nous avons mis sur pied un Comité médical consultatif national, composé de responsables régionaux des médecins chargés des soins de santé primaires et des psychiatres, ainsi que de cadres supérieurs qui examineront, essentiellement, les façons dont les médecins peuvent collaborer avec la direction du SCC dans le cadre d’une relation de collaboration constructive afin d’améliorer la qualité des soins de santé fournis aux patients du SCC.
Chaque jour, mon horaire est diversifié. J’appuie l’équipe de pharmacie en étant membre du Comité national de pharmacologie et de thérapeutique. Je donne des conseils sur les incidents aux comités d’enquête qui tentent de déterminer si l’incident survenu dans un établissement carcéral a entraîné des lésions corporelles graves aux personnes en cause, et je participe également à de nombreuses initiatives sur la qualité des soins, y compris la présente stratégie concernant les personnes vieillissantes au SCC, la gestion des cas d’hépatite, le VIH, les maladies chroniques, l’hypertension, etc. Mon travail touche essentiellement à tout ce qui demande l’intervention d’un médecin.
Q : Quels sont les défis et les questions les plus urgentes auxquels le Comité médical consultatif national devra faire face?
JW : Je pense qu’il y en a beaucoup. Nous avons fait un sondage qui portait essentiellement sur l’engagement des médecins pour comprendre ce qu’ils pensent de leur participation à la prestation des services de santé au SCC. Nous avons reçu les résultats de ce sondage, alors nous allons en discuter. Ils permettront vraiment d’orienter l’établissement de la relation entre les médecins et le Service correctionnel du Canada. Il s’agit donc d’un aspect qui sera au cœur de nos préoccupations.
Par ailleurs, je pense qu’il y a de nombreuses questions urgentes qui nécessitent vraiment l’intervention des médecins. Tout d’abord, la question de l’isolement clinique : quel est le rôle du médecin? Comment pouvons-nous nous comparer aux hôpitaux de santé mentale de la collectivité dans les soins que nous offrons? L’isolement clinique, le nouveau cadre pour la prévention du suicide et la stratégie relative aux délinquants âgés dans le milieu correctionnel – je dirais que ce sont là les trois questions importantes à venir.
Aussi, l’élaboration de ce que j’aurais appelé, dans mon rôle précédent, une carte de pointage, sur laquelle tous les intervenants s’entendent, afin que nous comprenions les résultats des initiatives que nous entreprenons. Quelles sont les stratégies? Quelles unités de mesure pouvons-nous utiliser pour évaluer notre réussite dans l’atteinte de nos objectifs? Nous pourrons alors comprendre comment notre travail influe sur ces paramètres et, en fin de compte, comment nous atteignons nos objectifs.
Q : Quelles sont certaines des variables les plus particulières auxquelles vous devez faire face dans le milieu correctionnel, et y a-t-il quelque chose de surprenant ou d’intéressant que vous avez appris au sujet des soins médicaux en établissement depuis votre arrivée au SCC?
JW : Je ne peux pas dire que j’ai été surpris par quoi que ce soit du point de vue des soins médicaux. Je pense que les problèmes que j’ai constatés sont que la santé mentale est un facteur important au sein du système carcéral – la gestion de la toxicomanie et le soutien efficace des détenus pour qu’ils traitent leurs problèmes de toxicomanie.
Le VIH et l’hépatite C, encore une fois, sont des problèmes majeurs – en particulier l’hépatite C. Le SCC a d’ailleurs fait un excellent travail à cet égard en étant vraiment agressif et proactif dans sa gestion de l’infection au virus de l’hépatite C.
Une chose qui m’a vraiment impressionné, c’est l’engagement des médecins dirigeants et des médecins que j’ai eu le plaisir de rencontrer – en fait, de tous les membres de l’équipe de santé : leur ouverture d’esprit, leur engagement à l’égard des patients et leur volonté de faire de leur mieux pour leurs patients.
Ce que j’aime vraiment et que je remarque, c’est que tous ces efforts font une réelle différence. C’est ce qui me motive dans mon travail. J’ai bon espoir que les choses vont changer et que les problèmes liés aux services de santé peuvent être abordés, gérés et améliorés.
Dr Colin Cameron
Le Dr Colin Cameron s’est joint au SCC à titre de psychiatre principal le mois dernier. Au cours des dix dernières années, il a été directeur clinique du programme de psychiatrie judiciaire – Unité de traitement en milieu fermé pour les Services de santé Royal Ottawa (Centre correctionnel et de traitement St. Lawrence Valley), un établissement de 100 places pour adultes de sexe masculin qui sont atteints de troubles mentaux et qui purgent une peine de ressort provincial à Brockville, en Ontario. En tant que directeur clinique, il a dirigé la création de ce premier centre de santé mentale/centre correctionnel hybride doté d’un modèle de dotation clinique semblable à celui d’un hôpital judiciaire où la surveillance quotidienne des délinquants est assurée par le personnel de santé mentale plutôt que par des agents correctionnels – un modèle de plus en plus reconnu comme pratique exemplaire pour soigner les délinquants atteints d’une maladie mentale grave.
Q : Vous avez dit que vous n’aviez jamais pensé que la santé mentale dans les services correctionnels deviendrait votre domaine de spécialité. Y a-t-il quelque chose en particulier qui vous a interpellé ou vous vous êtes simplement retrouvé dans le domaine?
CC : Je dis aux gens que la psychiatrie correctionnelle est le secret le mieux gardé en psychiatrie. Lorsque vous suivez un programme de résidence en psychiatrie, le genre de personnes qui se retrouvent souvent dans les services correctionnels, lorsqu’elles se présentent dans votre salle d’urgence, a des besoins si extrêmes que vous vous sentez un peu impuissant. Souvent, les patients ont des problèmes continus d’abus de drogues et ils sont en état de « high », et vous n’êtes pas vraiment en mesure de fournir le genre de services requis. Ainsi, la plupart des jeunes résidents en psychiatrie qui n’ont pas travaillé dans le domaine correctionnel diraient « C’est le dernier domaine dans lequel je veux travailler. Les gens sont difficiles, il est impossible de les aider. »
Ce qui m’a surpris lorsque je suis allé pour la première fois, avec une certaine hésitation, faire des consultations au Centre correctionnel et de traitement St. Lawrence Valley, c’est que dans un tel contexte, où il n’y a pas vraiment d’accès aux drogues de la rue et où les personnes sont avec vous pendant un bon moment, vous pouvez faire un travail thérapeutique qui est très gratifiant. Contrairement aux hôpitaux, où les gens sont admis et doivent obtenir leur congé le plus rapidement possible parce qu’il y a de longues files d’attente dans les salles d’urgence, nous avons le temps de fournir aux gens une aide plus complète.
Dans un environnement contrôlé où il n’y a pas de drogue et où les personnes sont avec vous pendant plusieurs mois, elles peuvent recevoir toute une gamme de soins – de la psychothérapie individuelle à diverses psychothérapies de groupe, aux programmes de transition école-travail – vous pouvez créer un véritable milieu thérapeutique qui peut transformer des vies.
Étonnamment, c’est en psychiatrie correctionnelle que j’en suis venu à éprouver le plus grand sentiment de satisfaction au travail; je sens que j’aide réellement les gens.
Q : Vous n’avez commencé votre travail que récemment au SCC, mais comment voyez-vous votre rôle, et y a-t-il quelque chose en particulier que vous aimeriez accomplir pendant que vous êtes ici?
CC : Je suis relativement nouveau au sein de l’organisation, mais je crois comprendre que la plupart des médecins et des psychiatres du SCC sont des contractuels, dont bon nombre sont à temps partiel, de sorte que la voix des médecins et des psychiatres n’a pas été aussi intégrée qu’elle pourrait l’être dans l’élaboration des services cliniques, des politiques et des lignes directrices en matière de traitement au SCC.
Au cours des dernières années, il y a donc eu une réforme complète de la structure de gouvernance du SCC, et des soins de santé en particulier, qui officialise maintenant l’intégration du point de vue des médecins dans ces domaines. Nous en sommes aux premiers stades et c’est une période assez excitante, une partie de mon rôle est donc d’apporter mon aide pour ce processus.
Nous avons maintenant le Comité médical consultatif national, qui est en train de devenir très central pour ce qui est de représenter et d’exploiter la voix et l’expertise des médecins afin qu’elle soit prise en compte dans l’ensemble de l’organisation.
J’arrive à un moment déterminant, car je crois que le profil de la santé et de la santé mentale en particulier s’améliore, et je pense qu’il y a maintenant un désir et une volonté réelle d’investir dans le développement des services et de s’améliorer.
Q : Dans quelle mesure pensez-vous que l’acceptation sociétale des problèmes de santé mentale et la volonté de ne plus les cacher et d’en parler ouvertement contribuent à l’amélioration des services correctionnels?
CC : J’ai terminé ma résidence en psychiatrie en 1994 et, depuis ce temps, je pense qu’il y a eu d’énormes progrès en termes de réduction de la stigmatisation, en particulier en ce qui concerne la maladie mentale. La santé mentale en milieu correctionnel pourrait être le dernier grand vestige de la stigmatisation, parce qu’il s’agit en quelque sorte d’une double stigmatisation – il y a la criminalité et la maladie mentale. Il y a parfois cette attitude qui consiste à sévir contre la criminalité et à dire que les personnes qui ont commis des infractions ne méritent pas d’avoir accès à des soins. Nous avons donc encore du travail à faire à cet égard.
Il y a aussi des problèmes lorsque les personnes sont mises en liberté dans la collectivité à la fin de leur peine, et elles doivent parfois faire face à des défis liés à l’acceptation des personnes atteintes d’une maladie mentale grave dans les programmes communautaires, parce que les gens croient qu’il y aura des problèmes de sécurité ou des perturbations dans leurs services. Il y a donc encore du travail à faire dans ce domaine, particulièrement en ce qui concerne les personnes qui ont eu des démêlés avec le système de justice pénale.