Crédit photo : Maxim Guzun
Du haut des airs, il ressemble à un aigle qui s’élève dans le ciel. Vu du sol, l’immeuble destiné aux programmes pour Autochtones de l’Établissement de La Macaza offre une intégration idéale de services culturels et de réadaptation accessibles aux personnes incarcérées.
En novembre 2022, l’établissement, situé au Québec, a reçu le prix « Dialogue et partenariats avec les peuples autochtones » décerné par l’Institut des biens immobiliers du Canada. Du concept jusqu’à l’achèvement en passant par la construction, le projet a consisté en une collaboration étroite entre le personnel autochtone et non autochtone du Service correctionnel du Canada SCC), les Aînés, les intervenants, les collectivités locales et les Autochtones incarcérés. Ce partenariat s’est mérité cette reconnaissance.
« Je crois que les conversations que nous avons eues avec l’équipe de conception ont permis de transmettre nos valeurs et nos attentes d’un lieu culturel adapté à notre vision de guérison. Nous constatons que ces échanges ont bien été entendus », affirme l’Aîné Robert Bourdon.
M. Bourdon fait remarquer que pour beaucoup de personnes dont le contact est coupé avec leurs collectivités, le bâtiment a été conçu comme un moyen de leur donner accès à leur culture.
À l’origine, en 1959, l’Établissement de La Macaza était une base militaire. Le site est devenu le collège Manitou en 1973, l’un des premiers établissements postsecondaires destinés aux étudiants autochtones du Canada. Les langues, les traditions et l'autodétermination autochtones ont été enseignées au collège. Ceci eut un effet considérable sur la fortification d’une identification collective, sur l’essor du leadership autochtone au Canada et au Québec.
Le SCC a pris possession du site en 1978. En 2014, l’immeuble de 55 ans qui était utilisé aux fins des services aux délinquants autochtones avait besoin de nombreuses réfections. Le SCC a eu la vision d’un nouvel immeuble qui intégrerait la culture autochtone afin d’aider les détenus dans leur démarche de guérison.
Construction de l’immeuble réservé aux programmes pour Autochtones, vu à partir de l’entrée principale. L’« aile » du personnel se trouve du côté gauche et celle des détenus du côté droit. (Crédit photo : Fusion Structure)
Les architectes ont conçu l’édifice sous la forme d’un aigle aux ailes étendues – un oiseau qui symbolise l’importance dans la culture autochtone. La forme particulière de l’immeuble posait des défis de construction, mais le résultat final est stupéfiant.
L’aile gauche de l’immeuble est réservée au personnel et l’aile droite aux ateliers de travail du bois et de couture des détenus.
Certains résidents ont utilisé l’atelier de travail du bois pour sculpter et peindre trois totems qui sont devenus un élément central du bâtiment.Deux d’entre eux montent la sentinelle de chaque côté de l’entrée de l’immeuble.
Entrée principale de l’immeuble agrémentée de totems conçus, sculptés et peints par des Autochtones incarcérés. (Crédit photo : Yomna Anani)
Totem à l’extérieur de l’entrée principale. (Crédit photo : Yomna Anani)
Le troisième totem se trouve à l’intérieur, dans le hall d’entrée de la salle de cérémonie située dans la queue de la structure, où se tiennent tous les rassemblements et les événements sacrés.
Salle avec des murs et un plafond en cèdre. Un canot est suspendu au plafond, la roue de médecine est peinte sur le plancher. (Crédit photo : Yomna Anani)
Yomna Anani a pris le rôle de coordonnatrice de l’architecture et de la conception en 2017.
« La salle de cérémonie, mise en exergue dans la conception en tant que partie intégrante de la démarche de guérison, est dotée d’une fenestration abondante qui laisse entrer la lumière naturelle à profusion, déclare Yomna. Cette salle a été conçue en forme d’heptagone, une figure à sept côtés, afin de refléter les sept enseignements sacrés ou principes des peuples autochtones. Au milieu de la salle, le plancher est divisé en quatre quadrants qui arborent les couleurs de la roue de médecine. »
Un canot est suspendu au plafond de bois et une boîte contenant des objets sacrés est insérée dans le béton au centre de la salle.
La grande salle ronde, utilisée pour les cérémonies, est un heptagone, une figure à sept côtés, où la lumière naturelle entre à profusion. Elle comporte de nombreux éléments autochtones importants faits de bois. (Crédit photo : Maxim Guzun)
« Pour que ce lieu demeure, pour les générations futures, une place bien ancrée dans notre culture », dit l’Aîné Robert.
Isabelle Roy est la gestionnaire des projets de construction d’immeubles réservés aux programmes pour Autochtones. Elle a supervisé la construction de 10 des 22 immeubles de l’Établissement de La Macaza. Ses connaissances du milieu carcéral et des besoins relatifs à l’entretien, autant que des critères de sécurité, ont été mises à contribution.
« Ce projet nous a permis une liberté de conception plutôt rare en milieu correctionnel. J’y ai appris énormément sur les pratiques de peuples autochtones et la signification des espaces », dit Isabelle.
« L’établissement est l’un des endroits où le plus de délinquants autochtones sont incarcérés au Québec. Un milieu de vie façonné selon leur culture aidera certains d’entre eux, j’en suis sûre, à vivre une réinsertion sociale plus positive. »
Yomna est d’accord.
« Je crois fermement que nous devons offrir de meilleurs endroits pour permettre aux personnes de guérir en faisant appel à leur propre culture. »
Elle dit que la conception et le processus de collaboration créent de nouvelles normes en matière de conception de milieux correctionnels pour délinquants autochtones.
Hall d’entrée de la grande salle ronde où sont disposées des sculptures et d’autres œuvres d’art créées par des résidents autochtones de l’Établissement de La Macaza. (Crédit photo : Joseph Coirrazza)
Le prix Dialogue et partenariats avec les peuples autochtones reconnaît cette réalité. L’Aîné Robert résume ce que le prix signifie pour toutes les personnes qui ont participé au projet.
« C’est la reconnaissance du travail d’une équipe composée de personnes autochtones et non autochtones. Une collaboration, un dialogue et un partenariat ouverts et respectueux. »