L’héritage de Doris Fortin relativement aux programmes novateurs pour délinquantes

Reportages

Lorsque Doris Fortin a commencé à travailler en tant qu’agente correctionnelle en 1984, les délinquantes suivaient les mêmes programmes correctionnels que les hommes.

« On a dit aux agents de programmes de changer le pronom “il” pour “elle” et “lui” pour “elle” », a déclaré Marlene Wells, formatrice nationale à la retraite, collègue et amie. « C’est grâce à Doris que les choses ont changé et que l’on veille maintenant à ce que les programmes correctionnels soient élaborés et conçus spécifiquement pour répondre aux besoins des délinquantes. »

Doris était une défenseure ardente et passionnée pour les délinquantes. Elle a reconnu que même si certains éléments de base des programmes correctionnels s’appliquent à la fois aux délinquants et aux délinquantes, les femmes sont différentes. Elles ont besoin d’une approche différente en matière de réhabilitation.

Doris FortinLes femmes ont souvent de nombreux problèmes interdépendants auxquels il faut s’attarder afin de les aider à se réhabiliter. La faible estime de soi, les traumatismes, le peu d’éducation, les déplacements en famille d’accueil, l’itinérance, la prostitution, les tentatives de suicide, l’automutilation et la toxicomanie sont des problèmes communs. Doris croyait que les circonstances sociales et culturelles qui touchent les délinquantes doivent être prises en considération afin de les aider à se réhabiliter.

Elle estimait que les femmes devaient être traitées comme des personnes à part entière. Leurs programmes de réinsertion sociale devaient offrir des choix sociaux positifs afin de les aider à devenir des citoyennes respectueuses des lois. De plus, les programmes mettent l’accent sur l’importance que les femmes accordent aux relations dans leur vie. L’établissement de relations saines est essentiel à leur mode de vie sain. Cela s’est avéré important pour aider les femmes à se réhabiliter.

« Doris a accompli tant de travail d’avant-garde », a déclaré Jennine Hamilton, agente principale de projet et formatrice nationale au sein du Secteur des délinquantes. « Elle a fait progresser la façon dont nous travaillons avec les délinquantes, en appliquant une perspective différente dans leur traitement. En tant que femmes, nous abordons le monde différemment. »

Doris, qui était gestionnaire des Interventions et des politiques dans le Secteur des délinquantes, est décédée du cancer en mars 2013. Elle a commencé sa carrière en tant qu’agente correctionnelle à l’Établissement de La Macaza, au Québec, en février 1984. Elle a travaillé dans différents établissements pendant 15 ans, comme gestionnaire d’unité, agente de gestion de cas et coordonnatrice de programmes. Elle est ensuite allée à l’administration centrale, à Ottawa, pour devenir la formatrice nationale pour les Programmes de prévention de la violence d’intensité élevée.

Doris s’était engagée à améliorer les programmes correctionnels et sociaux destinés aux femmes, et elle a suivi un cheminement de carrière pour y arriver.

En janvier 2001, Doris est devenue gestionnaire des programmes pour délinquantes à la Division des programmes de réinsertion sociale. Doris s’est engagée à ce que le SCC élabore et offre des programmes sexospécifiques aux femmes en fonction des recommandations issues du document intitulé La création de choix : Rapport du groupe d’étude sur les femmes purgeant une peine fédérale (1990). Les changements qu’elle a aidé à mettre en œuvre étaient monumentaux. Elle a collaboré avec le Centre de recherche en toxicomanie pour élaborer le Programme d’intervention pour délinquantes toxicomanes, qui a commencé en 2003. Il s’agissait du premier programme correctionnel conçu spécifiquement pour les délinquantes.

En 2004, Doris a élaboré la Stratégie des programmes correctionnels pour délinquantes, qui a jeté les bases de l’orientation du Service correctionnel du Canada (SCC) pour la réinsertion sociale des délinquantes.

« Elle était tellement dévouée, elle croyait vraiment en cette stratégie des programmes », a déclaré Stephanie Chalifoux-Taylor, administratrice régionale des Initiatives pour les autochtones dans la région du Pacifique, qui travaillait avec Doris depuis 2005. « Elle appuyait son raisonnement avec tous les types de théories liées aux femmes, comme la théorie de la thérapie féministe. »

Deux femmes tenant un certificat

Stephanie avec Doris, 2008

Pour Stephanie, Doris était une mentore, une conseillère, une gestionnaire et une amie. Elle a fait remarquer que Doris travaillait à l’obtention d’une maîtrise en sociologie, avec spécialisation en études féministes à l’Université d’Ottawa au moment de son décès.

Doris a mis en pratique les théories sur les femmes.

Elle a mis sur pied le Programme d’intervention modulaire pour délinquantes pour les femmes vivant dans des unités de garde en milieu fermé qui avaient un accès limité aux programmes correctionnels. Elle a également élaboré le Programme pour délinquantes sexuelles. Ces programmes sont un élément important de la stratégie de réhabilitation des femmes. En 2008, le Programme de prévention de la violence pour délinquantes a été mis sur pied, qu’elle a élaboré en collaboration avec Kelly Blanchette, ancienne directrice générale du Secteur des délinquantes. Elle a encadré son personnel dans le cadre de l’élaboration des deux volets de programmes correctionnels qui sont offerts aujourd’hui aux délinquantes : les programmes correctionnels principaux pour délinquantes et les programmes correctionnels pour délinquantes autochtones.

Doris avait un grand respect pour la culture autochtone et elle l’a adoptée. Elle a supervisé la mise en œuvre de programmes conçus pour répondre aux besoins propres à la culture des délinquantes autochtones. En 2009, elle a été honorée pour ce travail lors d’une cérémonie à Ottawa par les membres du Comité national des programmes pour délinquantes autochtones et intervenants de programmes pour Autochtones. Doris a reçu des cadeaux significatifs comme une couverture étoilée, une plume d’aigle et des mocassins perlés.

« Doris savait comment travailler efficacement avec les peuples, les communautés et les organisations autochtones. Elle était déjà en avance sur son temps en matière de réconciliation. Elle comprenait que l’engagement signifiait apprendre les uns sur les autres et écouter afin d’établir d’abord une relation », a déclaré Stephanie. « Doris comprenait la valeur de l’expérience vécue à titre de personne autochtone, et a pris le temps d’établir cela afin d’orienter les services correctionnels pour délinquantes autochtones. »

En 2011, Doris a reçu le Prix pour service exceptionnel en milieu correctionnel pour sa contribution à la réhabilitation et à la réinsertion sociale des délinquantes.

Des personnes assises et debout portant des médailles

Doris a reçu la Médaille du jubilé de diamant de la reine Elizabeth II en 2012 pour ses contributions à l’amélioration des services correctionnels fédéraux pour délinquantes. Elle est assise à côté de la Commissaire, sur la première ligne. 

C’était une visionnaire qui embrassait pleinement la vie et qui donnait son 110 % dans tout ce qu’elle faisait. Cela comprenait ses relations avec ses collègues et ses pairs. Elle a travaillé à habiliter les membres du personnel, en s’assurant qu’ils avaient les compétences et les connaissances nécessaires pour être efficace dans leur travail.

« Elle a toujours été très inspirante. Elle vous faisait sentir important et valorisé. Tout ce que vous pouviez apporter était utile et intégré aux programmes et aux politiques », a déclaré Jennine.

Doris a également organisé des dîners et des rassemblements amusants après des réunions et des conférences, afin que les employés puissent apprendre à se connaître. Elle voulait que les membres du personnel soient eux-mêmes au travail et dans les loisirs.

Jennine a dit : « L’incidence de Doris sur le travail que nous faisons a été importante. Si nous n’avions pas toutes ces choses pour lesquelles elle a travaillé, nous serions encore dans une position de simplement changer le pronom “il” pour “elle”. Elle a donné aux femmes une voix à la table, non seulement pour les délinquantes, mais aussi pour les femmes au sein des membres du personnel. »

Doris était fort respectée par ses collègues en tant que pionnière qui s’est surpassée afin de faire progresser les services correctionnels pour les délinquantes.

Une plaque avec une photo de Doris et un texte qui dit Le Pavillon des programmes de Doris Fortin

La plaque sur le mur à l’entrée du Pavillon des programmes de Doris Fortin

Lors d’une cérémonie tenue en juin 2022, une plaque a été dévoilée dans le pavillon de l’Établissement Nova pour femmes, où sont offertes par les agents de programmes correctionnels et où sont reçues par les délinquantes les interventions fondées sur la vision de Doris. Le Pavillon des programmes de Doris Fortin a été nommé en l’honneur des contributions de Doris et de l’incidence considérable qu’elle a eue et qu’elle continue d’avoir sur les délinquantes de tous les groupes culturels.

Stephanie a résumé la situation en disant que l’héritage de Doris :

« continue de vivre à l’intérieur de tant de délinquantes et de membres du personnel, passées, présentes et futures, directement et indirectement ».
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