L’histoire de Daniel McElroy

Reportages

Avis: Cette histoire contient du matériel qui peut être inquiétant de certains lecteurs. Lecteur le pouvoir discrétionnaire est avisé.

 

Le 22 juin 2005, Daniel McElroy travaillait comme préposé aux médicaments au Centre régional de traitement de la région du Pacifique. Pendant son quart de travail, un détenu lui demande un médicament que l’on administre au besoin, comme de l’aspirine. C’était une demande de routine et Daniel n’a pas hésité.

 

« Bien sûr », répond l’homme affable de 28 ans, en déplaçant une pile de rapports et quelques emballages-coques pour accéder à la clé de la petite réserve de médicaments. Une fois à l’intérieur, il s’apprêtait à refermer la porte,
 

lorsque,
 

« Soudainement, bang! La porte s’ouvre brusquement et deux gars entrent dans la pièce, armes au poing », dit Daniel. « Ils me menacent de leur arme et l’un d’eux m’ordonne de lui remettre les clés de l’armoire à narcotiques. On veut la drogue. »
 

En état de choc, Daniel leur remet les clés. « Ça ne valait pas la peine de risquer ma vie », ajoute-t-il. Bien qu’il leur remette les clés, il se retrouve alors au cœur d’une prise d’otage insoutenable qui allait durer six heures au sein de ce pénitencier fédéral.
 

En plus de mettre la main sur le dépôt de morphine, de benzodiazépine et d’autres stimulants comme le ritalin et la dextrinase, les preneurs d’otage trouvent également un couteau qu’ils appliquent sur la gorge de Daniel pendant les discussions avec le négociateur.
 

« Ils disaient qu’ils allaient me couper le doigt pour montrer qu’ils étaient sérieux », dit Daniel. « Ils parlaient des meurtres qu’ils avaient commis et tout ça était déjà dans leur dossier. »
 

L’un d’eux a crié : « J’ai déjà mon billet pour l’enfer, alors ne me faites pas [juron]! »
 

Daniel a compris qu’il pourrait bien y rester et il a fait le point sur sa vie. « J’ai pensé à ma fiancée (aujourd’hui ma femme), à ma mère, à mon père et à ma famille. Je ne savais pas s’ils étaient au courant de ce qui se passait et je me suis dit : « Ce n’est pas comme cela que j’aurais voulu partir. »
 

La situation s’est détériorée lorsque les détenus se sont mis à consommer des narcotiques. Ils agissaient d’une manière de plus en plus désordonnée.
 

« J’ai pleuré ce jour‑là », confie Daniel. « Ça faisait des années que je n’avais pas pleuré. J’étais si triste. Je n’arrêtais pas de penser à ma famille, à quel point je les aime. Je voulais passer au travers pour revenir auprès d’eux. »
 

À un certain moment, l’un des preneurs d’otage a fait une surdose et il a fallu le conduire à l’hôpital. Un peu plus tard, la prise d’otage a été réglée sans que personne n’ait été blessé.
 

« Lorsque je suis finalement sorti de là, j’ai eu un choc », dit-il. « Je suis passé du pire moment de ma vie à un sentiment de liberté et de soulagement incroyable. »
 

Ses parents et sa fiancée l’attendaient dans le corridor et ils se sont embrassés en pleurs. « Je veux m’en aller à la maison », a dit Daniel. « Partons d’ici. »
 

Pour Daniel, c’était la fin d’une expérience éprouvante, mais le début d’un long processus de guérison.
 

Les blessures psychologiques peuvent être aussi dévastatrices que les blessures physiques graves, la seule différence étant qu’elles ne sont pas apparentes. Les symptômes du trauma que Daniel a subi ce jour-là ont été immédiats et accablants.
 

« Cette expérience m’a bouleversé profondément sur le plan émotif », confie-t-il. « Je suis d’un naturel plutôt pausé et calme, mais là je pleurais sans raison apparente. J’étais irritable. J’étais grognon. J’étais dépressif. Mes émotions allaient dans toutes les directions et je ne savais pas comment gérer ce qui m’arrivait. »
 

Daniel a dû prendre un congé de maladie de sept mois. Par la suite, il a réintégré son poste grâce à un programme de retour au travail progressif étalé sur six mois. Il attribue son rétablissement à la thérapie qu’il a reçue immédiatement après l’incident et à sa volonté de guérir. « Je ne voulais pas me confiner dans un rôle de victime », dit Daniel. « La peur occupait beaucoup de place dans mes pensées. Peur de l’inconnu. Peur de retourner sur les lieux du drame. Peur de tout, finalement. »
 

« Pour gérer cette situation et m’en sortir, il m’a fallu confronter mes peurs. C’est ce qui m’a décidé à retourner au travail. Je ne voulais pas être une victime. Je voulais reprendre ma vie où je l’avais laissée. »
 

Les premiers jours du retour au travail ont donné lieu à des situations plutôt délicates. « Il fallait voir les réactions de mes collègues lorsque je suis revenu », raconte Daniel. « Les gens ne savaient pas trop comment m’aborder ou quoi dire. Certains se demandaient s’ils devaient me parler ou pas, me saluer ou me laisser tranquille. Ou encore, faire comme si rien ne s’était passé. »
 

Daniel admet lui-même qu’il se sentait fragile au début. S’il avait été laissé à lui-même, sans le soutien de ses supérieurs, la réintégration ne se serait sans doute pas faite aussi bien. « Certains jours, je voulais juste retourner à la maison », dit-il. « J’étais très mal dans ma peau, ébranlé et ma poitrine se serrait. Je voulais tout abandonner. Mais mes supérieurs veillaient sur moi, ils m’ont soutenu et encouragé. »
 

« Je leur ai fait confiance. Ils ne cherchaient pas à me nuire. Ils voulaient que je réussisse ma réintégration. Ils voulaient que je vainque mon anxiété et mes peurs. Ils étaient vraiment là pour moi. Ils m’ont permis de me relever et ils m’ont soutenu jusqu’à ce que je sois capable de marcher seul. »
 

Selon Daniel, la direction du SCC a adopté une nouvelle approche face aux problèmes de santé mentale, une approche axée sur la compassion, l’empathie et la compréhension des situations vécues par le personnel, et en particulier par ceux et celles qui sont en première ligne.
 

« J’ai vécu de nombreuses situations de crise, j’ai vu des effusions de sang et des gars en colère qui voulaient s’en prendre à moi ou qui tentaient de s’infliger des blessures », raconte Daniel. « On est aux prises avec des cas difficiles tous les jours. La direction reconnaît maintenant que ces situations ont des répercussions psychologiques sur le personnel, que cela nous affecte de bien des façons. »
 

Aujourd’hui, l’infirmier spécialisé en santé mentale travaille à plein temps comme gestionnaire de projet au Centre régional de traitement d’Abbotsford, en Colombie-Britannique. « Cela fait 12 ans et j’y pense encore. Ça ne s’oublie pas facilement », dit Daniel. « Je dois toujours surveiller mes réactions, en particulier mon niveau d’anxiété, mes réactions émotionnelles aux différentes situations. Cela va toujours m’affecter. Je suis simplement mieux outillé pour y faire face maintenant. »

Date de mise à jour :

Commentaires

tyrrelllj

Thank you for sharing your story

Mitchell

You are strong and courageous, and thank you for sharing your story.

SamanthaO

Thank you for having the strength and courage to share your story. Mental Health is of the utmost concern for all of us and stories such as yours need to be told to help raise awareness of this important subject!