Le Canada dispose d’une nouvelle norme sur les milieux de travail sains sur le plan psychologique élaborée par la Commission de la santé mentale du Canada et l’Association canadienne de normalisation. Les organisations comme le Service correctionnel du Canada (SCC), la Gendarmerie royale du Canada (GRC) et les Forces canadiennes ont des problèmes identiques à ceux d’organisations comme Bell Canada ou l’Agence du revenu du Canada en ce qui concerne l’établissement de milieux de travail sains. Mais elles ont également d’autres problèmes uniques qui découlent de leurs mandats, leurs employés étant parfois exposés à des traumatismes intenses et à une souffrance irrémédiable.
La clé de la résilience au travail réside dans la compréhension des menaces pour sa résilience. J’ai parcouru le Canada pour offrir une formation sur la résilience aux employés du SCC et j’ai constaté trois types de menaces auxquelles ils font face : le traumatisme primaire, le traumatisme secondaire et les facteurs de stress en milieu de travail.
On entend par traumatisme primaire un incident qui suppose une menace grave pour sa sécurité et qui comporte de la peur, de la détresse ou de l’horreur. Par exemple, ce ne sont pas tous les recours à la force qui peuvent causer un traumatisme. Lorsque j’étais un agent de la GRC, j’ai participé à de nombreux recours à la force. Un suspect en état d’ébriété qui me donnait un coup de poing, ne répondait pas aux injonctions et m’obligeait à faire usage d’une certaine forme de force pouvait causer chez moi une sécrétion d’adrénaline, mais ne m’amenait pas à éprouver une peur, une détresse ou une horreur véritables. Pendant ma carrière dans le maintien de l’ordre, très rares sont les cas de recours à la force où je savais que la personne essayait de me tuer ou de me blesser gravement. Les incidents dans le cadre desquels j’ai eu peur de perdre, j’ai été blessé ou j’ai craint véritablement pour ma vie étaient considérés comme traumatisants. Les agents correctionnels professionnels peuvent être régulièrement obligés de recourir à une force appropriée et mesurée pour régler des situations menaçantes ou violentes. La plupart de ces dernières sont gérées de façon rapide et efficace au moyen d’un recours à une force minimale, d’une mise en pratique compétente de la formation et d’un travail d’équipe. Cependant, les situations qui déclenchent une sécrétion d’adrénaline totale ainsi que de la peur, de la détresse ou de l’horreur peuvent constituer une menace grave pour la résilience de toute personne tout au long de sa carrière.
Le traumatisme secondaire ou transmis par personne interposée est une autre menace grave pour la résilience des employés du SCC. D’après mon expérience, il s’agit de la plus grande menace pour tous les premiers intervenants au Canada. Ce traumatisme découle du fait d’être confronté à une souffrance irrémédiable. C’est en aidant un collègue étant blessé gravement ou un détenu ayant subi des blessures graves ou étant décédé, ou en lisant simplement les dossiers de détenus dont les histoires et les images restent gravées profondément dans l’esprit que la perception des personnes, voire même du monde, se transforme. Une exposition chronique à une souffrance irrémédiable peut susciter ce que l’on appelle l’usure de compassion. Ce terme est explicite; il s’agit d’une diminution de la capacité de se préoccuper des autres. La personne devient insensible, hypervigilante, irritable ainsi que méfiante et elle manifeste des symptômes du trouble de stress post‑traumatique, d’anxiété ou de dépression.
Les facteurs de stress en milieu de travail peuvent amplifier et compliquer les effets d’un traumatisme primaire ou secondaire au travail. Il peut prendre la forme de frustrations envers la direction, d’un conflit avec un superviseur ou un collègue, de politiques qui prêtent à confusion ou causent de la frustration, ou d’une enquête interne dont on est l’objet. Les facteurs de stress en milieu de travail ne sont pas exclusifs au SCC; en fait, ils sont une préoccupation courante chez tous les groupes de premiers intervenants. Un policier m’a confié récemment [traduction] « Il existe un vieux dicton au sujet de nos gilets pare-balles : le panneau avant, c’est pour la rue et le panneau arrière, c’est pour le bureau. À l’heure actuelle, je porte les deux panneaux à l’arrière. Je peux gérer les menaces dans la rue, mais ce qui m’épuise, ce sont les problèmes au bureau. » La combinaison des problèmes associés aux services correctionnels et des facteurs de stress en milieu de travail peut, à juste titre, sembler parfois accablante pour certains employés.
Malgré les menaces pour la résilience des employés du SCC, tout n’est pas perdu! Les employés du SCC font preuve d’une résilience incroyable compte tenu des risques pour leur santé psychologique au travail. Interrogés au sujet des aspects positifs et intéressants de leur travail au SCC – des éléments qui contribuent à la résilience –, les employés me donnent souvent les réponses suivantes : l’importance du travail d’équipe et du soutien des collègues, la présence d’un superviseur respectueux, le travail en soi qui est intéressant, malgré les risques qu’il comporte, et la récompense de pouvoir fournir un service important au Canada.
Ce qu’il y a de positif avec la résilience, c’est qu’il s’agit d’une aptitude que toute personne peut prendre soin de développer en elle-même. La plupart des personnes qui sont exposées à des événements traumatisants sont résilientes et se rétablissent pleinement. Il est toujours possible d’accroître son niveau de résilience personnelle et professionnelle. L’indicateur le plus important de la résilience d’une personne est son niveau de soutien social, c’est-à-dire les amis, la famille et les collègues en qui elle a confiance, à qui elle peut parler et qui sont là pour elle. Il arrive trop souvent que des amis disparaissent au cours d’une carrière. Le fait de prendre soin d’entretenir des amitiés saines, tant dans sa vie professionnelle que personnelle, permettra d’accroître la résilience.
L’exercice est également un important facteur de la résilience, car il procure des bienfaits tant physiques que psychologiques. Il permet d’éliminer l’adrénaline et le cortisol qui laissent une personne dans un état d’anxiété, de colère et d’hypervigilance. L’exercice favorise le sommeil, l’humeur et l’autorégulation des émotions. Il est de plus en plus démontré que les activités fondées sur la pleine conscience apportent des changements positifs tant sur le plan cérébral que corporel. Un traumatisme peut causer des dommages au cerveau et au corps, mais la pleine conscience peut les réparer. On identifie souvent la pleine conscience à des activités telles que le yoga ou la méditation, mais elle peut en comprendre certaines qui exigent d’une personne qu’elle fasse preuve de pleine conscience et d’une présence dans l’immédiat. Parmi ces activités, mentionnons le motocyclisme, la planche à bras, la poterie ou le tir à l’arc. Il existe une longue tradition dans le domaine des arts martiaux, par exemple, selon laquelle la méditation et la concentration ont la même valeur que l’entraînement physique et les techniques.
Pour terminer, la valeur de l’optimisme et l’intérêt à trouver une perspective sensée ne sauraient être sous-estimés. L’optimisme n’a rien à voir avec la négation des réalités sur le plan personnel et professionnel. C’est le fait de reconnaître les problèmes et les difficultés, sans perdre l’espoir que de bonnes choses subsistent. Le maintien d’un équilibre harmonieux entre la vie professionnelle et personnelle et le fait de prendre soin d’apprécier les bonnes choses de la vie et de la collectivité offrent aux personnes une perspective qui leur permet de maintenir leur travail et les défis dans leur vie dans un contexte équilibré.
Le SCC offre un service essentiel et important. J’espère que vous êtes tous fiers du travail que vous y accomplissez et trouvez un sens au rôle important que vous jouez au service du Canada. C’est en appréciant les moments de joie et d’établissement de liens avec les autres que vous vous rappellerez de ce sens.
Pour de plus amples renseignements sur cet important sujet, rendez-vous sur la page InfoNet touchant les atteintes à la santé mentale en milieu de travail, où des ressources vous sont aussi accessibles.