Partager la peine d’une autre personne – L’histoire d’Alan Edward

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Cela fait vingt ans qu’Alan Edwards, intervenant en justice réparatrice à Edmonton, a commencé à travailler dans le domaine. C’est une carrière qui peut être épuisante pour une personne, mentalement et émotionnellement, mais selon Alan, il était fait pour cela.

 

« S’asseoir avec quelqu’un et l’écouter parler de ses souffrances et de ses chagrins peut être difficile », dit‑il. « Mais il y a quelque chose de tellement particulier lorsqu’on établit un lien avec une personne afin qu’elle puisse obtenir ce dont elle a besoin pour aller de l’avant avec sa vie. C’est pourquoi je fais ce que je fais. »

 

Jeune homme, Alan a suivi une formation sur la résolution de conflits en milieu de travail. À un moment donné, un des instructeurs a parlé du fait que les compétences qu’ils étaient en train d’acquérir pourraient s’appliquer à la médiation entre victimes et délinquants dans le cadre de la justice réparatrice. Alan a immédiatement été intrigué et a su que c’était ce qu’il voulait faire. À partir de ce moment, il a travaillé pendant six ans comme intervenant en justice réparatrice dans la collectivité et travaille actuellement, depuis les quatorze dernières années, pour le programme Possibilités de justice réparatrice du Service correctionnel Canada (SCC). En 2016, il a reçu le prix national de la justice réparatrice Ron Weibe pour son travail.

 

Le programme Possibilités de justice réparatrice du SCC offre aux personnes touchées par un crime la possibilité de communiquer avec le délinquant qui leur a causé du tort. « Le déroulement dépend de chaque personne et de ses besoins particuliers », dit Alan.

 

« La justice réparatrice se résume à trois choses : tort, responsabilité et réparation », explique Alan. « Le processus vise à réduire la souffrance à la suite d’un acte violent ou criminel. Il faut que le délinquant fasse les bonnes choses. Peut‑être dira‑t‑il finalement la vérité à propos de ce qui s’est passé. Il peut s’agir d’un geste symbolique pour le délinquant de vivre sa vie d’une façon qui honore la victime. Il peut aussi s’agir d’un geste comme payer la pierre tombale de la victime décédée. Ce sera différent pour chaque participant, mais fondamentalement, il s’agit de procurer à la victime ce dont elle a besoin de manière sûre et respectueuse. »

 

Alan se souvient encore de chaque cas sur lequel il a travaillé, même si certains sont plus marquants que d’autres. Pour lui, une mère qui a perdu son fils à la suite d’un acte de violence non provoqué dans un bar était l’un de ces cas.

 

« Elle voulait rencontrer le délinquant qui avait tué son fils », explique Alan. « Le délinquant a accepté de participer au processus parce que, comme il disait, il était prêt à tout donner à la mère. Nous avons travaillé neuf mois avec eux pour les préparer et, lorsque le jour de la rencontre est finalement arrivé, la mère s’est présentée avec six pages de questions pour le délinquant. Elle a posé une question et a rapidement réalisé que ses réponses étaient sans importance. Ses besoins à ce moment avaient changé. Elle voulait plutôt qu’il écoute ce que c’était pour une mère de recevoir un appel au milieu de la nuit pour lui apprendre que son fils avait été blessé et qu’il était hospitalisé et de perdre son fils. L’une des choses qui m’a rendu le plus heureux à propos de cette situation particulière était que nous, en tant qu’intervenants, avons pu créer un espace assez souple pour que ses besoins changent. »

 

« Pour les délinquants, c’est une expérience différente, mais tout de même importante aussi », dit Alan. La vaste majorité des délinquants qui décident de participer ont été victimes de traumatismes et de négligence dans leur enfance. En fait, pendant toutes ces années au cours desquelles il a travaillé avec des délinquants, il peut se rappeler d’un seul délinquant qui a eu une enfance qu’il considère comme normale. Mais ça n’excuse pas ce qu’ils ont fait et c’est pourquoi ces délinquants viennent à la table avec la volonté d’assumer la responsabilité de leurs actes.

 

« Ils essaient de tracer un nouveau chemin dans leur vie et de faire les choses correctement », dit Alan. « J’entends souvent dire "je ne veux pas être celui qui fait du mal aux autres, je veux aider les autres et agir correctement". Tous les délinquants négocient une nouvelle identité pour eux‑mêmes. La violence peut déstabiliser une identité, alors c’est une occasion pour eux de faire un choix concernant ce qu’ils veulent être dans le monde à partir de maintenant. »

 

C’est en résumé le rôle d’Alan en tant qu’intervenant. Il s’agit de préparer les victimes et les délinquants à avoir un dialogue. Il s’agit d’aider les victimes à trouver ce qu’elles cherchent pour aller de l’avant. Et il s’agit aussi d’aider les délinquants alors qu’ils entreprennent un nouveau chapitre de leur vie. Ce n’est pas un travail facile, mais Alan ne pourrait pas s’imaginer faire autre chose.

 

« Je me sens privilégié de pouvoir être ici à accompagner des gens qui essaient de prendre un nouveau tournant », dit‑il. « Les aider à réduire leur souffrance et favoriser leur réadaptation est quelque chose de tout à fait spécial pour moi. »

 

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