Récit de Lizanne Gobeil

Reportages

« Cela s’est produit tout de suite après le travail et je me suis sentie totalement dépassée. Je ne savais pas quoi faire ni où aller pour résoudre mon problème. J’avais l’impression que mon cœur battait la chamade et qu’il allait exploser. Je tremblais et j’avais de la difficulté à retrouver mon calme. »

 

Lizanne Gobeil décrit sa première attaque de panique, qui est survenue après une rude journée au Pénitencier de la Saskatchewan, où elle travaille comme agente de programmes pour Autochtones. Cette journée‑là, elle a vécu une situation où elle a eu le sentiment que sa sécurité était menacée et qu’elle ne se sentait pas appuyée dans son milieu de travail. Néanmoins, son attaque de panique était un symptôme d’un problème beaucoup plus grave auquel elle était confrontée.

 

Dans le cadre de son travail, Lizanne agit non seulement comme intervenante de programmes, mais également à titre de conseillère et de défenseure des intérêts des délinquants de sa classe qui en ont besoin.

 

« On est exposé aux traumatismes, aux abus et aux abandons subis durant l’enfance. On aide les délinquants à surmonter ces problèmes et à établir des liens entre ces expériences et leur comportement actuel et les motifs qui les ont conduits derrière les barreaux. En tant qu’intervenant, on entend sans cesse de telles histoires. Cela draine notre énergie et se révèle très exigeant sur le plan personnel. »

 

À l’instar de nombreuses personnes qui éprouvent des problèmes de santé mentale, Lizanne avait le sentiment que ses symptômes s’intensifiaient au fil du temps. Toutefois, elle ne faisait pas le lien entre ses symptômes physiques et sa santé mentale.

 

« Mes maux de tête constituaient réellement un gros problème. Ils étaient tellement douloureux que j’ai passé un tomodensitogramme. Mais je ne les attribuais toujours pas au stress. En outre, j’ai commencé à remarquer qu’une fois que je terminais un programme, j’avais l’impression que mon corps allait m’abandonner et que je tomberais malade. J’éprouvais des symptômes semblables à ceux de la grippe, notamment des nausées et une fatigue extrême. On aurait dit que je traversais une période de stress élevé, puis une fois celle‑ci passée, je tombais malade, et je vivais ensuite une autre période de stress élevé. »

 

La vie personnelle de Lizanne a également été touchée. Elle a connu l’isolement et a perdu le contact avec de nombreuses personnes qui l’ont soutenue au cours de cette période difficile.

 

Après sa première crise de panique, Lizanne a rencontré un médecin qui lui a recommandé de prendre huit semaines de congé. Malheureusement, cela a provoqué sur le coup une autre crise de panique chez Lizanne, parce qu’elle ne pouvait pas se permettre d’être absente du travail pendant une si longue période. Par contre, elle a été en mesure de s’entendre avec l’équipe de direction pour prendre un mois de congé. Cette période n’a pas été suffisante, car trois mois plus tard elle est repartie en congé. Il a été difficile d’établir un diagnostic précis pour Lizanne, car en plus de la dépression et de l’épuisement professionnel, elle souffre du syndrome de fatigue chronique.

 

« Je crois qu’il est difficile pour eux de différencier s’il s’agit de ma maladie ou de mon épuisement professionnel. »

 

Grâce à son médecin, Lizanne a été en mesure d’atténuer un grand nombre de ses symptômes, notamment les maux de tête et les symptômes semblables à ceux de la grippe qu’elle éprouvait entre les programmes. Elle a également bénéficié de mesures d’adaptation dans son milieu de travail. Elle peut donc diminuer un peu sa charge de travail afin d’atténuer une partie de son stress quotidien.

 

« J’ai également été en mesure de réduire le nombre de programmes que je donne. Auparavant, nous donnions sept séances par semaine : une séance le matin et une autre, en après‑midi. Cela ne laisse pas beaucoup de temps pour quoi que ce soit d’autre. J’ai cru qu’il serait préférable si je pouvais limiter les séances à cinq afin de me permettre de mieux gérer mon volume de travail. Cela m’a aidée. »

 

Bien que Lizanne se porte relativement bien, elle doit toujours composer avec un système qui, selon elle, n’est pas conçu pour gérer les troubles de santé mentale en milieu de travail.

 

« J’ai épuisé la totalité de mes congés annuels. Je les appelle mes congés de maladie, ce qui est fâcheux puisque ce ne sont pas réellement des vacances, mais ils me permettent de passer l’année. »

 

Elle a également expliqué que l’un des moyens les plus importants pour préserver sa santé mentale consistait à demander un congé avec étalement du revenu, qui lui a été accordé au cours des deux dernières années et qui s’est révélé d’une immense aide.

 

Même si Lizanne a le sentiment que les gestionnaires l’ont grandement appuyée, elle sait qu’ils ne comprennent pas pleinement ce qu’elle vit, simplement parce qu’ils ne peuvent concevoir ce qu’ils n’ont pas déjà vécu eux‑mêmes.

 

« C’est difficile de comprendre tous les symptômes et les mécanismes s’y rattachant. Comment peut‑on bien aller pendant deux jours, puis ne pas être en forme pendant deux semaines? Il n’y a rien qui indique à quel moment on va connaître une moins bonne ou une meilleure journée. J’ai parfois l’impression que la direction ne parvient pas à comprendre combien cela peut nous nuire. »

 

Par contre, Lizanne est comprise par ses collègues. Elle sait que certains d’entre eux sont atteints de dépression, de troubles anxieux et d’autres problèmes. Par conséquent, ils sont complètement ouverts et se soutiennent mutuellement.

 

Pour ce qui est de préserver sa santé mentale, Lizanne a établi de saines habitudes de vie et éduque son entourage à propos de sa maladie.

 

« Je mets en application les techniques que j’enseigne dans le cadre des programmes. Les aptitudes cognitives, entre autres remettre en question ses façons de penser, s’avèrent vraiment utiles. Je consulte également un conseiller une fois par mois pour simplement demeurer dans la bonne voie. Je m’assure d’aller au lit à la même heure tous les soirs, même les fins de semaine. Éduquer les autres sur la dépression et les troubles d’anxiété et leurs répercussions fait une énorme différence pour moi, car je ne crains pas d’en parler. Avons‑nous peur de parler du cancer? La réponse est non. La maladie mentale est simplement une autre maladie. Si nous en discutons et éduquons les gens à cet égard, cela rendra les choses plus faciles pour les personnes qui en souffrent. »

 

Lizanne compte également sur son réseau de soutien en cas de besoin. Sa famille, son fiancé et ses collègues sont toujours prêts à l’aider.

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