Michelle Moore, agente de libération conditionnelle à l’Établissement de Matsqui du Service correctionnel du Canada (SCC), lequel est situé à Abbotsford en Colombie-Britannique, a observé une rencontre face à face entre un détenu, sous sa surveillance, et la mère d’un jeune homme qu’il a abattu et tué.
« Je ne savais pas à quel point ce serait percutant, compte tenu de son histoire violente. Au fil des ans, j’ai vu une foule d’améliorations dans le comportement et l’attitude, mais de le voir lui et la victime dans ce contexte, a déclaré Michelle, sa culpabilité était si profonde. Il pensait qu’il ne méritait rien. »
Michelle a été directement témoin de l’effet transformant du programme Possibilités de justice réparatrice du SCC, qui facilite une communication sûre entre les personnes lésées par des actes criminels et la personne qui leur a causé des torts. Ce programme donne aux victimes l’occasion de dire au délinquant l’impact que le crime a eu sur elles et permet au délinquant de mieux comprendre les torts qu’il a causés et, ce faisant, d’assumer la responsabilité de son crime et de trouver des moyens de réparer ses torts, si cela est possible.
La victime m’a dit : « S’il vous plaît, pouvez-vous l’appuyer et l’encourager à aller de l’avant? C’était quelque chose dont je n’avais jamais été témoin auparavant. Je n’avais aucune idée de l’effet profond de la victime sur la vie du détenu. Toute l’expérience a vraiment changé des vies », a raconté Michelle.
On compte plus de 1 000 contacts entre les victimes et les détenus depuis le début du programme dans la région du Pacifique en 1990. Le modèle a été déployé dans tout le pays en 2004. La communication peut se faire au moyen de messages transmis par le médiateur, d’une lettre, d’entrevues enregistrées présentées à l’une et à l’autre des parties concernées, d’une réunion en personne, d’une rencontre virtuelle ou d’une combinaison de ces formes de communication.
« Ce programme accorde aux victimes un moyen de s’exprimer, ce qu’elles n’ont pas habituellement dans le système traditionnel de justice pénale. Elles ont la possibilité de poser des questions à la personne qui leur a causé des torts, c’est-à-dire d’obtenir de l’information qui, dans de nombreux cas, ne leur était pas accessible », a déclaré David Gustafson, directeur exécutif de l’Association des initiatives en matière de justice communautaire à Langley, en Colombie-Britannique, et médiateur comptant 30 ans d’expérience en facilitation de discussions entre victimes et délinquants dans des cas de crimes graves dans le cadre du programme Possibilités de justice réparatrice.
Les médiateurs du SCC sont des professionnels communautaires hautement qualifiés possédant une vaste expérience en justice réparatrice. Ils travaillent directement avec les victimes et les délinquants pour s’assurer que l’échange de renseignements se déroule dans un environnement sûr pour les deux parties.
La participation au programme Possibilités de justice réparatrice est volontaire. Elle n’influe pas sur la libération conditionnelle du délinquant et n’est pas reflétée dans son dossier de gestion de cas, afin de s’assurer que la décision du délinquant est motivée par un désir sincère de communiquer avec la personne à qui il a causé des torts. Les victimes qui participent veulent souvent que le délinquant reconnaisse les dommages qu’il leur a causés, et cela fait partie de leur propre processus de guérison.
« Le programme permet aux victimes et aux délinquants d’échanger des renseignements et de réfléchir à ce qui s’est passé avec les personnes concernées. Il permet de découvrir à quel point le préjudice peut être dévastateur sur le plan personnel, a affirmé Tara George, gestionnaire des Services aux victimes de la région du Pacifique. Les gens peuvent ainsi recevoir de l’information dont ils ne disposaient pas auparavant et considérer ce qui s’est produit sous un autre angle. »
Tara et David ont observé tous les deux que même les victimes les plus traumatisées font état d’une guérison et d’un rétablissement considérables; elles affichent une réduction marquée de leurs symptômes de trouble de stress post-traumatique (TSPT) après avoir participé au programme Possibilités de justice réparatrice, à court et à long terme[i].
Robyn Hissink, agente de libération conditionnelle en établissement au Village de guérison Kwìkwèxwelhp, situé à Harrison Mills en Colombie-Britannique, a également constaté les avantages de la participation des délinquants au programme Possibilités de justice réparatrice. « Cela permet aux deux parties de se réconcilier avec le crime et de mieux comprendre pourquoi le crime s’est produit, a déclaré Robyn. Le programme contribue également à la responsabilisation des délinquants. S’ils sont prêts à participer, ils font preuve de responsabilité. »
Elle estime personnellement que le rôle de l’agent de libération conditionnelle dans le processus est celui d’une aide. Avant la médiation, elle aide le délinquant à se préparer en mettant sur papier les choses dont il voudrait discuter pendant la médiation, car cela peut être très accablant.
Elle signale qu’il importe que les agents de libération conditionnelle soient informés du programme pour en faire mention au délinquant, comme option, lorsque ce dernier exprime un certain degré de remords et de responsabilité.
Il doit y avoir une volonté réciproque de participer, ce qui a été le cas avec la médiation entre la victime et le délinquant que Michelle a observée. Tous deux voulaient communiquer afin de faire face au crime.
David indique que ce cas particulier a entraîné ce que d’autres décrivent comme la transformation de l’un des délinquants les plus violents que nous n’ayons jamais vu. « Il continuait à faire la navette entre les établissements à sécurité maximale et l’unité spéciale de détention jusqu’à ce que la grâce et la miséricorde de sa victime lui brisent le cœur et le mettent sur une nouvelle voie, a déclaré David. Et il n’est plus la personne qui a commis ces crimes. Il ne commettra plus jamais ces crimes. Certaines personnes diraient : « Ouais, ouais, c’est ça. » Mais avec lui, et bien d’autres, j’en ai été témoin. »
[i] Gustafson, D. L. (2018). Encountering ‘The Other’: Victim Offender Dialogue in Serious Crime. Thèse de doctorat, KULeuven, Faculté de droit.